Le dicton du peuple

POURQUOI DIEU NE ME FAIT-IL

PAS CROIRE ?

et la réponse de Jésus-Christ

 


 
-- Il est bien facile de dire aux gens:  Croyez ceci, croyez cela! Oui, mais ne croit pas qui veut. Moi, je ne demanderais pas mieux que de croire, malheureusement je ne le puis pas; cela ne dépend pas de moi. Pourquoi Dieu ne me fait-il pas croire?

-- Ainsi vous avouez donc que vous ne croyez pas?

-- C'est selon.

-- Selon quoi?

-- Oui, je crois à ce que je vois; par exemple, à moi, à ce monde

-- Cela ne s'appelle pas croire, mais voir. Or, je vous demande non ce que vous voyez, mais ce que vous croyez.

-- Eh bien!  Je crois qu'il existe un Etre suprême, un Créateur.

-- C'est déjà quelque chose.  Et ensuite, à quoi croyez-vous encore?

-- Je crois aussi un peu à la vie à venir; du moins, je la désire, je l'espère.

-- Et ensuite?

-- Voilà tout.

-- Ainsi vous ne croyez pas que Dieu ait donné sa loi dans la Bible?

-- Non.

-- Vous ne croyez pas que Jésus-Christ soit venu sauver ceux qui se confient en lui?

-- Non.

-- Vous ne croyez pas que Dieu donne son Saint-Esprit à ceux qui veulent vivre saintement?

-- Non, non.

-- Bien. Maintenant, pourriez-vous me dire pourquoi il est des choses que vous croyez et d'autres que vous ne croyez pas?

-- Je ne sais.

-- Je vais vous l'apprendre.  Vous croyez en un Créateur et en un avenir, parce que cela ne vous oblige à rien; et vous ne croyez pas à la Bible, à Jésus-Christ, au Saint-Esprit, parce que cela vous obligerait à quelque chose.  Voilà vos raisons pour croire et ne pas croire. Ne me dites pas que vous désirez croire, car, quand on le désire véritablement, on y arrive.

-- Moi, je vous dis que je le désire et que je n'y arrive pas!

-- Désirez-vous aussi vous enrichir?

-- Sans doute!

-- Que faites-vous pour cela?

-- Je travaille jour et nuit, dimanches et fêtes; je calcule; enfin, je me donne assez de peine.

-- J'en suis persuadé.  Aussi, je ne doute pas de votre désir de devenir riche. Mais, si vous avez le désir de croire, pourquoi donc n'y travaillez-vous pas aussi?

-- Et comment?

-- Y pensez-vous souvent?

-- Non.

-- En parlez-vous à beaucoup de monde?

-- Non.

-- Lisez-vous au moins la Bible?

-- Non.

-- Comment? Vous ne faites rien, ne dites rien, ne pensez rien en religion, et vous prétendez avoir le désir de croire! Non, non, vous dis-je; vous avez bien plutôt le désir contraire; et, comme je vous le disais tout à l'heure, vous croyez à un Créateur, auquel vous permettez d'exister; encore en faites-vous tout simplement l'Etre suprême, le premier dans la série d'êtres où vous êtes vous-même; vous croyez à une vie à venir, simple prolongation sous une autre forme de la vie présente, parce que cela vous sourit de vivre toujours.  Mais pour croire à un paradis ou à un enfer, à la sainte loi de Dieu ou à l'Esprit sanctifiant, non, non, vous ne le voulez pas!  Vous êtes même décidé à n'y pas croire, car cela vous obligerait à changer de vie.

-- Moi, je vous dis que non. Je ne demande pas mieux que de croire. Pourquoi Dieu ne m'y force-t-il pas?

-- Ce que vous demandez est impossible. Comment voulez-vous que Dieu vous force à croire?

-- Par exemple, il pourrait me faire voir des choses telles que le ciel et l'enfer.

-- Mais alors vous ne les croirez pas; vous les verriez! Ce serait vos yeux et non votre cœur qui seraient persuadés.

-- C'est égal; moi, je veux voir pour croire.

-- Ce n'est pas vrai! Vous croyez déjà ce que vous ne voyez pas, puisque vous croyez en un Etre suprême que vous n'avez jamais vu.

-- Oh! C'est bien différent. Le bon sens me dit que l'univers ne s'est pas fait tout seul; donc il faut un Créateur, et j'y crois sans l'avoir vu.

-- Très bien. De même vous pourriez dire: ma conscience, qui vaut bien mon bon sens, me dit que le bien et le mal ne sont pas le même chose, et qu'il faut un juge pour les apprécier, et finalement récompenser ou punir. Mais non, vous ne dites pas cela, de crainte d'éveiller votre conscience et affirmer de nouveau que vous ne croyez pas parce que vous ne voulez pas. Or Dieu ne peut pas forcer votre volonté.

-- Comment! Il ne peut pas? Mais vous-même dites que Dieu est tout-puissant?

-- Entendons-nous: sans doute dans un sens Dieu pourrait vous contraindre à croire, mais alors vous ne seriez plus libre, votre volonté serait comme si elle n'existait pas. Ainsi le Créateur fait que le soleil n'a ni liberté, ni volonté, et dès lors ni sentiment, ni bonheur, ni joie, ni peines, ni vices, ni vertus; c'est une admirable machine, mais rien qu'une machine! Ce qui n'a pas de volonté n'est plus un être, n'est plus un homme; c'est une chose, c'est de la matière.  Or je vous le demande: dussiez-vous devenir un soleil consentirez-vous à perdre votre libre volonté, à être pétri, façonné, sans résistance ni sentiment? J'ai donc raison de dire qu'aussi longtemps que vous serez un être sensible, volontaire et raisonnable, Dieu ne peut pas, à la lettre il ne peut pas vous forcer à croire. Ne dites donc plus: "Que Dieu me fasse croire," mais cherchez plutôt comment vous-même pouvez marcher vers la foi.

-- Mais enfin, sans tout à fait me contraindre, Dieu ne pourrait-il pas par quelque moyen me pousser à croire, tout en respectant ma volonté?  Ne pourrait-il pas employer ce que nous appelons une douce violence?  Ne pourrait-il pas me donner de bonnes, de fortes preuves, des raisons invincibles? Gagner mon cœur et mon esprit?  Enfin je ne sais quoi, mais il me semble que Dieu pourrait se conduire envers moi de telle sorte que je cédasse volontairement à sa propre volonté et que je fusse conduit à la foi de bon gré.

-- C'est vrai; mais remarquez que ceci n'est plus la contrainte; ce sont des raisons.

-- Soit; je m'en contente. Que Dieu me donne donc des raisons puissantes pour croire.

-- Mais n'est-ce pas précisément ce qu'il a fait? Ne vous a-t-il pas donné une conscience que distingue entre le mal et bien? Cette voix intérieure ne vous dit-elle pas que le premier doit être puni, comme le second récompensé? N'êtes-vous pas mal à l'aise quand vous commettez une injustice? Et aujourd'hui, vous et moi, chargés des fautes accumulées depuis notre jeunesse, n'éprouvons-nous pas le besoin d'être pardonnés? Nos espérances de bonheur, constamment trompées sur la terre, ne nous conduisent-elles pas à croire que le bonheur n'est pas ici-bas? Et malgré cela n'en éprouvez-vous pas un impérieux désir? N'est-il pas vrai que vous ne faites pas le bien que cependant vous aimez? Et que vous sentez la nécessité d'être aidé pour l'accomplir? Tout cela n'est-il pas une raison pour croire que l'Evangile, proclamant une loi sainte, offrant un pardon complet, donnant un esprit sanctifiant, est bien la vérité?  En un mot, toutes les aspirations morales de votre âme ne sont-elles pas ces motifs puissants que vous demandiez pour vous conduire à la foi, sans vous y forcer?  N'est-ce pas précisément cette douce contrainte que vous réclamiez?

-- Il paraît bien que non, puisque je ne crois pas encore.

-- Mais c'est que vous résistez; vous étouffez votre conscience, vous niez vos torts; vous cherchez le bonheur dans la matière qui vous l'a jusqu'à ce jour refusé. Quant à cet Evangile, ce Sauveur, ce Saint-Esprit, comment y croirez-vous quand vous refusez obstinément d'ouvrir le livre qui en parle? Attendez-vous que les mots se détachent du volume et viennent vous sauter aux yeux? Espérez-vous comprendre et sentir sans lire ni écouter? Franchement, que faites-vous pour mettre à profit les moyens de persuasion que Dieu vous a donnés?  Rien! Au contraire, vous faites tout ce qui dépend de vous pour les annuler, vous fermez les yeux et le livre! Vous cherchez dispute à ceux qui en parlent! Au lieu de désirer croire, vous êtes satisfait quand vous pouvez élever une objection. Vous avez écouté avec plus de plaisir l'incrédule qui se moquait agréablement de la religion que le croyant qui en parlait avec sérieux. Voyez, par exemple, ce qui se passe à cette heure entre vous et moi. Je vous parle pour votre bien; je cherche à vous convaincre que vous êtes un être immortel, que vous avez un Sauveur, et cependant, loin d'écouter avec joie ces bonnes nouvelles, vous vous efforcez de me combattre; dans ce moment, je vous fatigue; vous seriez bien aise de me prouver que j'ai tort et que vous n'avez ni Sauveur, ni salut, ni ciel, ni immortalité! Quelle folie! Un homme qui désire prendre en faute celui qui lui apporte une fortune plus vaste que le monde et un ami plus puissant qu'un roi! Un homme qui refuse d'examiner les titres qui lui confèrent l'éternité!

-- Du tout, du tout! Je ne repousse aucune de vos raisons de croire. Si je ne les examine pas assez souvent, ni assez de détail, c'est qu'en vérité je n'en ai pas le temps.

-- Quoi! Pas le temps d'examiner si vous êtes un ange futur ou une brute présente? Pas le temps de sonder les Ecritures qui prétendent donner la vie éternelle? Quelle est donc la vie plus longue, la destinée plus belle qui réclament votre temps avez plus de raison?

-- Bah! Tout cela est bel et bon: mais avant tout il faut vivre et travailler; votre Bible n'est pas facile à comprendre; elle est bien longue; moi, je ne suis pas un savant, et j'en reviens à me dire: Pourquoi Dieu ne me fait-il pas croire sans me soumettre à tant d'embarras et de difficultés?

-- Eh bien! Soit. Faisons une supposition: Dieu va vous donner la foi; il va vous contraindre à croire, vous croirez si vivement que les biens spirituels deviendront en quelque sorte visibles pour vous. Vous vous sentirez assuré du ciel; vous saurez à n'en plus douter que Jésus est mort pour vous, qu'il vous attend dans le paradis, et qu'à cette heure même il prie son Père de vous envoyer son Saint-Esprit. Cet Esprit-Saint descend; il pénètre dans votre cœur; avec la foi la plus vive, il y dépose la charité la plus large, vous aimez votre Dieu, vous aimez vos frères; vous vous dévouez pour eux; tout votre superflu passe aux pauvres; vos heures hors du travail sont employées à visiter les malades; vous priez auprès de leur lit; vous exhortez l'incrédule; vous reprenez le coupable; vous donnez à tous de bons exemples. Plus de médisances dans votre bouche, plus de plaisanteries, plus de goût pour altérer la vérité; plus d'amour de l'argent; plus d'orgueil, de vanité; vous êtes devenu humble; vous prenez la dernière place; enfin, avec la racine de la foi, Dieu vous en donne les fruits: toutes les vertus chrétiennes. Répondez franchement. Acceptez-vous ces dons?  Vous allez croire comme saint Paul: y consentez-vous? Non, non! Si Dieu tenait sa main sur votre tête prête à laisser tomber ce trésor en vous, vous prendriez la fuite pour l'éviter! Vous auriez peur de ce dévouement qui vous priverait de votre cher égoïsme vous auriez peur de cette humilité que vous ravirait votre petite gloriole!  Et comme je vous le disais en commençant, vous n'accepteriez la foi qu'à la condition qu'elle ne vous obligerait à rien. Ce qui revient à dire qu'aujourd'hui vous la fuyez parce que vous comprenez qu'elle oblige à quelque chose. Ne dites donc plus: Pourquoi Dieu ne me fait-il pas croire? Il ne le fait pas parce que vous ne le voulez pas!

-- C'est possible. Mais, après tout, Dieu ne me demandera pas compte de la fois que je n'aurai pas eue.

-- Non, sans doute; mais il vous demandera compte des péchés que vous avez.

-- Bah! Ce sont les péchés de tout le monde.

-- Aussi Dieu en demandera-t-il compte à tout le monde.

-- Il aurait bien à faire de punir tous les coupables!

-- Pas plus qu'à les récompenser. Et, puisque les deux sont également difficiles, il me semble que Dieu choisira le plus juste. Or, trouvez-vous qu'il soit juste de donner le bonheur éternel au pécheur?

-- Non, mais Dieu nous pardonnera.

-- Bien mieux, il nous pardonne!

-- Comment?

-- Oui, il nous pardonne par Jésus-Christ dès aujourd'hui, complètement et pour toujours!

-- Eh bien! C'est bon : j'accepte son pardon.

-- Ainsi vous croyez?

-- Je n'ai pas dit cela...

-- Non, mais pour vous débarrasser de moi vous parlant de Jésus-Christ, vous m'avez répondu : j'accepte son pardon. Ce n'était pas vrai; c'était un mensonge de plus.

-- Il me semble que vous prenez plaisir à me tourmenter.

-- Oui, je vous tourmente comme une lumière placée devant un homme qui ne veut pas voir. Mais comme il n'y a pas de bandeau assez épais ni des yeux assez bien fermés pour éteindre jusqu'à la dernière lueur du soleil, de même la vérité que j'ai mise devant votre conscience s'y fait sentir à travers le bandeau de vos passions; elle vous importune; vous la repoussez. Mais c'est en vain. Malgré vous vous l'entrevoyez. La foi sollicite son entrée dans votre cœur. Vous pouvez la lui refuser, mais rappelez-vous qu'aujourd'hui vous en avez aperçu l'éclat; rappelez-vous qu'elle ne veut pénétrer dans votre âme que pour l'éclairer, la réchauffer et finalement vous rendre heureux. Contemplez ses rayons: sur un, vous arrive le pardon de votre passé; sur l'autre, vous vient la sanctification de votre vie, la force du Saint-Esprit; celui-ci vous donne la foi; en vous l'amour de Dieu et des hommes, la paix, la joie dans l'humilité. Vous pourrez vieillir, mais ce sera pour vous approcher de l'immortalité; vous pouvez être malade, pauvre, méprisé; tout cela ne sera plus qu'une épreuve bénie qui vous enseignera la prière et vous fera sortir plus fort de celle épreuve, jusqu'à ce qu'enfin le ciel s'ouvre et que la foi fasse place à la vue.

Napoléon ROUSSEL
(1805-1878)


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