Introduction à OséeITandis que quelques Pères de l'Eglise affirment qu'Osée est mort dans sa patrie, la tradition juive rapporte qu'il a terminé ses jours à Babylone, et que son corps, transporté sur un chameau, a été inhumé en Galilée. Ces légendes n'ont aucune base certaine. IIA peine le dernier représentant de cette famille a-t-il disparu de la scène, que les conspirations et les meurtres règnent dans ce malheureux pays. Zacharie est assassiné, et après lui se succèdent rapidement Sallum, Ménahem, Pékachia, Pékach, Osée. Avec l'anarchie marchent de pair l'ivrognerie, la débauche, l'adultère, le meurtre, jusqu'à ce que, la patience de Dieu arrivant à son terme, ce malheureux peuple, entièrement dévoyé, soit vaincu par les Assyriens et ses restes déportés en Orient (2 Rois 15.8-31 ; 17). C'est dès le règne de Ménahem que nous constatons les premières traces de l'intervention des Assyriens dans l'histoire d'Israël. Deux partis se forment depuis ce moment : l'un croit pouvoir s'appuyer sur l'Assyrie ; l'autre redoute cet immense empire et cherche un appui auprès de l'Egypte. Ce fut ce dernier parti qui amena la ruine de Samarie. Le roi Osée, tributaire du roi d'Assyrie, ayant conclu une alliance avec l'Egypte, se révolta. Il fut aussitôt écrasé par Salmanasar dont il avait tenté de secouer le joug. Les débuts du ministère d'Osée nous placent à l'époque du règne de Jéroboam II (824-783) ; et comme la vie du prophète s'est prolongée jusqu'au règne de son homonyme, le roi Osée (730-722), dernier souverain de Samarie, son ministère doit avoir embrassé une période de 60 ans au moins. IIILa mention des quatre rois de Juda étonne ; on se demande pourquoi les rois de Juda sont nommés dans le titre d'un livre qui traite essentiellement du royaume de Samarie. On pourrait penser que le prophète en a agi ainsi, parce qu'à ses yeux la dynastie de David continuait à être la seule légitime. Mais, dans ce cas, Jéroboam II devrait-il être nommé ? Il faudrait expliquer la mention de ce souverain par le caractère exceptionnellement important de son règne. On a aussi supposé que la mention des rois de Juda ne faisait pas partie du titre primitif, et qu'elle a été ajoutée par ceux qui ont formé le recueil des petits prophètes, afin de rappeler le titre tout semblable d'Esaïe (1.1) et de faire comprendre indirectement qu'Osée, le plus grand prophète d'Israël, avait été le contemporain du plus grand prophète de Juda ; le titre primitif aurait donc été : << Parole de l'Eternel qui fut adressée à Osée, fils de Béeri, au temps de Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël. >> Cette indication chronologique ne s'appliquerait dans ce cas qu'au commencement du ministère du prophète (les trois premiers chapitres). Mais il nous paraît plus probable que, si, comme on peut le supposer, le livre d'Osée n'a été rédigé que vers la fin de son ministère (voir plus bas), il l'aura été essentiellement en vue de Juda qui subsistait encore, et à qui ses avertissements pouvaient encore être salutaires ; et cela expliquerait pourquoi, dans le titre, le prophète ou les collecteurs postérieurs auraient associé la dynastie de Juda à celle d'Israël. Quand Osée fut envoyé par l'Eternel à Israël, ce peuple se trouvait dans un état de double infidélité : défection de son Dieu par l'idolâtrie régnante ; défection de son roi légitime, du roi de Juda, descendant de David, par le schisme politique. Le contenu de l'écrit est en rapport constant avec ce double péché : le culte des veaux d'or et même de Baal, et la séparation d'avec le souverain légitime. Cet état anormal est aux yeux du prophète le principe de tous ses autres péchés, la cause réelle de la ruine qui le menace (8.4-6). Ce n'est donc qu'autant que ce double interdit sera ôté, que les promesses de Dieu pourront reprendre leur cours et marcher à leur accomplissement final. Le livre se divise en deux parties : chapitres 1 à 3 et 7 à 14. Dans la première, que nous intitulons : l'adultère d'Israël, l'idolâtrie et les nombreuses défections du peuple sont dépeintes sous la forme symbolique de deux mariages successifs du prophète avec des femmes de mauvaise vie. Cette première prophétie a été prononcée du temps de Jéroboam II. En effet, la dynastie de Jéhu est encore sur le trône, mais ce n'est plus pour longtemps (1.4) ; la prospérité mentionnée 2.5,11,12. et la sécurité charnelle qui en résulte ne se sont plus retrouvées dès lors dans de telles proportions. La seconde partie est un recueil de discours, dans lesquels n'apparaît plus la forme symbolique qui régnait dans la première. Comme elle forme une suite continue sans points d'arrêt bien marqués, on a supposé que le prophète avait dû la rédiger d'un seul jet, et cela sans doute à la fin de sa carrière, comme résumé de son long ministère. Mais si même il en est ainsi, la vivacité extraordinaire et dramatique des mouvements et des images force d'admettre des rédactions immédiates dont il se sera servi en résumant le tout. Reproches, menaces, promesses, tels sont les trois thèmes qui se succèdent en quelque sorte périodiquement dans chaque morceau de cette seconde partie : les péchés du peuple lui sont d'abord dévoilés, le châtiment qu'ils lui attireront est annoncé ; enfin la grâce finale de Dieu est plus ou moins clairement promise. A ce rythme de la pensée prophétique correspond également la marche du recueil entier ; on peut, en effet, y distinguer trois sections principales :
IVCe caractère ému de la prophétie d'Osée explique peut-être en partie ce qu'il y a de brusque et de saccadé dans son langage. Les images, toujours hardies et colorées, sont parfois jetées plutôt que développées, et restent obscures ; le style, d'une extrême concision, paraît embarrassé, énigmatique ; on se heurte à des aspérités et à des tournures de phrase étranges ; c'est comme si les termes usuels ne lui suffisaient pas pour exprimer le trop plein de ses pensées ; la vivacité de ses impressions est telle qu'il passe d'une idée à l'autre sans lien apparent. Le blâme, l'indignation, l'amour bouillonnent à la fois dans son coeur ; il faut qu'il leur donne essor. On est profondément remué en assistant à cette lutte qui se livre dans le coeur d'Osée. D'un côté, sa mission est la même que celle de Jérémie ; comme lui, il voit venir la catastrophe inévitable et il a la tâche de la justifier plutôt que de l'empêcher. Mais, d'autre part, il rappelle plutôt Esaïe par la virilité de son caractère et l'éclat de son langage. On pourrait. dire qu'il est à la fois l'Esaïe et le Jérémie des dix tribus. Il ne lui a pas été donné d'ajouter quelque trait nouveau à la figure du Roi-Messie ; c'est plutôt sous une forme impersonnelle que se présente à ses yeux le tableau des derniers jours. Il en est de même des autres prophètes du royaume des dix tribus, peut-être parce que cet Etat n'était pas en relation directe avec la famille de David à laquelle se rattachait l'attente du Messie personnel. |