Descriptif

Si en littérature existe depuis fort longtemps ce prétexte épistolaire consistant à regrouper les lettres d'un personnage fictif, pour exposer au lecteur de manière plaisante les pensées de l'auteur, il semble que jamais avant C. S. Lewis aucun chrétien ait songé à l'utiliser pour faire parler un démon. Il fallait oser… Comment l'idée lui est-elle venue?

Nous l'apprenons dans une lettre, datée du 20 juillet 1940, que Clive écrivit à son frère, le Major Warren Lewis (1895-1973). Il lui dit qu'ayant écouté la nuit précédente un discours d'Hitler à la radio pour le moins effrayant, il était allé le lendemain assister à un culte. C'est alors que tandis qu'il trouvait le prédicateur passablement ennuyeux, lui vint à l'esprit le sujet d'un livre dans lequel un vieux démon à la retraite adresserait des lettres à un jeune démon débutant pour le guider dans sa mission diabolique à l'encontre de sa première victime. Ainsi serait amenée l'occasion d'analyser et de décrire la psychologie de la tentation, vue du côté du tentateur.

En réalité, aucun homme sur terre ne sait ce que le diable pense, ressent ou manigance, le chrétien peut seulement en avoir une intuition d'après les Écritures, et l'expérience de ses propres chutes; c'est pourquoi, en dépit de l'apparence, loin de s'apparenter à un traité de démonologie, cette brillante fantaisie de Lewis est avant tout un résumé de sa compréhension des mécanismes du péché dans l'âme humaine. Non qu'il veuille dire que nos tentations et nos défaites seraient les conséquences d'un déterminisme psychologique absolu et purement humain; l'auteur croit à l'existence réelle d'esprits maléfiques, exerçant leur influence sur les hommes, mais sa cible est plutôt le fond d'orgueil et de vanité, de lâcheté et de paresse, commun à toute l'humanité pécheresse et dont ces esprits profitent. Les épîtres de Screwtape ont donc avant tout un but prophylactique et thérapeutique: avertir le jeune chrétien des pièges qui l'attendent dans sa marche spirituelle, lui indiquer le moyen de se relever lorsqu'il tombera.

Ecrites en période de guerre, plusieurs de ces pages se rapportent aux pensées et aux réactions qui peuvent naître en la circonstance; elles ne sont pas devenues obsolètes pour autant; de vrai la vie chrétienne reste un combat perpétuel, qui ne s'achève que dans la victoire finale du départ pour la gloire. Paul écrivait aux Ephésiens (6.11): Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin que vous puissiez résister aux méthodes (μεϑοδείας) du diable. Le mot grec est couramment traduit par artifices, ruses, pièges, manœuvres, embûches; tactiques conviendrait également très bien.

C'est d'ailleurs sous ce titre Tactique du Diable, que dès 1943 les Screwtape Letters furent traduites en français, par Brigitte Barbey; puis son texte, remanié par Etienne Huser dans les années 1970, agrémenté du sous-titre Lettres d'un vétéran de la tentation à un novice, réédité un grand nombre de fois, fit partie de la panoplie obligée que l'on offrait aux jeunes convertis, à la fin du vingtième siècle, dans les églises évangéliques. Notre nouvelle édition a été revue et légèrement modifiée en plusieurs endroits, pour mieux rendre l'original.

Du côté des scholars pastoraux américains, toujours avides de compter les grands intellectuels disparus de l'ancien continent comme un des leurs, on trouvera sur internet quantité d'articles sur Screwtape et Wormwood, plus ou moins pertinents, mais aussi d'excellentes vidéos, notamment celles du Dr Jerry Root.

Sans avoir jamais voulu prétendre au rang de chef-d'œuvre de la littérature chrétienne, le ton alerte et humoristique de ce petit livre de C. S. Lewis ne devrait pas laisser au lecteur l'impression que les convictions théologiques profondes de l'auteur en sont absentes. Bien au contraire, c'est souvent dans ses productions en apparence les plus légères qu'un écrivain exprime sa pensée de la façon la plus marquante. Lewis n'échappe pas à cette règle, comme on pouvait déjà le constater avec The Great Divorce. Ici par exemple, la lettre xxvii nous éclaire sur ce qu'il pensait du déterminisme augustinien : « L'Ennemi (Dieu) ne prévoit pas la libre contribution que les hommes apporteront dans un avenir proche ou lointain, il la voit du sein de son éternel présent. Et il est évident que regarder un homme faire quelque chose ce n'est pas le lui faire faire. »

Réserver la lecture des Lettres de Screwtape aux jeunes convertis, procéderait donc d'une regrettable sous-estimation. A tout stade de sa vie spirituelle, le chrétien y trouvera abondante matière à réflexion.

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Avertissement

Clive Staples Lewis est mort en 1963, ses œuvres ne tomberont dans le domaine public qu'en 2033. Nous ne pouvons donc pas vous proposer de télécharger ce livre audio ; cependant, comme la loi n'interdit pas de lire un livre qui nous appartient à haute voix derrière un micro, vous pouvez toujours l'écouter AMDG*, en cliquant sur les boutons appropriés. Par ailleurs vous trouverez sur Youtube plusieurs versions de sa lecture en anglais, en recherchant le titre The Screwtape letters.

Si vous désirez lire ce livre, nous vous le prêterons à titre amical, sous forme numérique : il suffit pour cela d'écrire à theotex@gmail.com, en vous engageant à ne pas le vendre ou à le diffuser. Vous pouvez d'ailleurs le feuilleter ici.


* AMDG : Ad maiorem Dei gloriam : Pour la plus grande gloire de Dieu, la devise des Jésuites 😊.