L'ascension de Jésus-Christ et le don du Saint-Esprit à la Pentecôte sont inséparablement liés, c'est ce que va établir Jean Daillé (1594-1670) dans ces deux sermons, qu'il prêcha à l'occasion de chacune de ces deux célébrations chrétiennes, et où il examine les raisons pour lesquelles le Rédempteur devait monter au Ciel après sa résurrection. Rendu célèbre par son Traité sur l'emploi des saints Pères, ce pasteur devint une des figures les plus importantes du protestantisme français du xviie siècle. A l'élégance de sa plume (reconnue par des cercles littéraires étrangers aux préoccupations religieuses) il joignait une grande érudition, une liberté de raisonnement et une franchise théologique qui le distinguait de la bigoterie scolastique.
Il écrit par exemple dans le sermon sur la Pentecôte : « …comme l'expérience nous l'apprend, et comme saint Paul nous en avertit expressément, dans le premier chapitre de l'épître aux Romains, les hommes discernent en quelque façon ces choses par la lumière que Dieu a conservée dans leur nature, toute corrompue qu'elle est.» ce qui revient déjà à nuancer l'affirmation péremptoire selon laquelle le pécheur est totalement mort avant que Dieu ne le régénère.
Dans le sermon sur l'Ascension, il donne une interprétation de Philippiens 2.6, de l'anéantissement volontaire du Fils de Dieu au moment de son incarnation, qui rejoint tout à fait celle des réformés évangéliques du xixe siècle, et qui découle tout simplement du texte.
Il dit encore : « Qui ne voit que c'est un sophisme d'appliquer à l'une des natures particulièrement ce qui convient et est attribué à toute la personne ? …c'est assez que Christ soit infini selon sa divinité ; mais il ne s'ensuit pas qu'il le soit aussi selon son humanité.» Daillé récuse ici sans la nommer, l'abstruse formule de la communication des idiomes, derrière laquelle certains luthériens essayaient de masquer leur impuissance à rendre compte de la personne de Christ.
« Le vrai honnête homme ne se pique de rien» écrivait La Rochefoucauld à la même époque. Un honnête homme : c'est l'impression que nous laisse Daillé, tout opposée à celle qui prévaut sur les réseaux sociaux théologiques, où il suffit d'éructer : communicatio idiomatum! pour faire partie des doctes.