Matthieu   10.24  à  11.1

24. Un disciple n'est pas au-dessus du maître, ni un serviteur au-dessus de son seigneur. 25. Il suffit au disciple d'être comme son maître, et au serviteur d'être comme son seigneur. S'ils ont nommé le maître de la maison Béelzébul, combien plus les gens de sa maison ? 26. Ne les craignez donc point ; car il n'y a rien de couvert qui ne doive être découvert, ni rien de caché qui ne doive être connu. 27. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière ; et ce qui vous est dit à l'oreille, prêchez-le sur les maisons. 28. Et ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre et l'âme et le corps dans la géhenne. 29. Deux petits passereaux ne se vendent-ils pas pour un sou ? et pas un d'eux ne tombera en terre sans votre Père. 30. Et pour vous, les cheveux mêmes de votre tête sont tous comptés. 31. Ne craignez donc point ; vous valez mieux que beaucoup de passereaux. 32. Tout homme donc qui me confessera devant les hommes, je le confesserai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux. 33. Mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux. 34. Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. 35. Car je suis venu mettre la division entre un homme et son père, entre une fille et sa mère, entre une belle-fille et sa belle-mère ; 36. et un homme aura pour ennemis les gens de sa maison. 37. Celui qui aime père ou mère plus que moi, n'est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n'est pas digne de moi. 38. Et celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. 39. Celui qui aura trouvé sa vie, la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie à cause de moi, la trouvera. 40. Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. 41. Celui qui reçoit un prophète, en qualité de prophète, recevra une récompense de prophète, et celui qui reçoit un juste, en qualité de juste, recevra une récompense de juste. 42. Et quiconque aura donné à boire seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits, en qualité de disciple, je vous dis en vérité qu'il ne perdra point sa récompense. 1. Et il arriva, quand Jésus eut achevé de donner ses ordres à ses douze disciples, qu'il partit de là pour enseigner et prêcher dans leurs villes.

NOTES
10.24 Un disciple n'est pas au-dessus du maître, ni un serviteur au-dessus de son seigneur.
  10 :24 à 11 :1 Mission des douze. (Suite.) Motifs de persévérer dans ces épreuves.
10.25 Il suffit au disciple d'être comme son maître, et au serviteur d'être comme son seigneur. S'ils ont nommé le maître de la maison Béelzébul, combien plus les gens de sa maison ?
  Combien cette vérité proverbiale est évidente, et combien elle est même humiliante pour les chrétiens, quand ils considèrent qu'ici le maître le seigneur est le Fils du Dieu vivant, et que le disciple, le serviteur (grec esclave) est un pauvre pécheur ! Jésus accepte cette comparaison ; où sont les disciples qui l'admettent sérieusement ?

Ces paroles confirment par un exemple frappant la vérité des précédentes. Si le maître de la maison, Christ, le Seigneur dans son règne, a été exposé aux plus grossières injures, à quoi doivent s'attendre ses serviteurs ?

- Béelzébul, ou plutôt Béelzéboul, peut avoir deux sens, selon l'étymologie que l'on adopte : de Baal sébel, il signifierait le dieu des ordures, et l'on suppose que les Juifs nommaient ainsi, par mépris, cette divinité païenne, de Baal seboul, il aurait le sens de maître du logis, ou de la demeure. Or, les Juifs, toujours par haine de ce nom de Baal, désignaient ainsi le chef de la demeure des démons et des possédés, en l'autorité duquel ils accusaient Jésus de chasser les démons. (Matthieu 12.24)

Ce qui semble appuyer cette interprétation, c'est que Jésus s'appelle ici à dessein le maître de la maison (de Dieu), terme qui forme un contraste étrange avec celui de maître de la demeure (du diable). Ainsi l'injure est en même temps un blasphème.

- Il faut remarquer encore que Jérôme déjà lisait Béelzéboub, et faisait dériver cette désignation de Satan du nom d'une divinité des Hécronites (Baal-zeboub, le dieu des mouches), que le roi Achazia fit consulter dans une maladie. (2Rois 1.2) On suppose que les Juifs auraient changé la dernière lettre de ce nom, afin de lui donner l'une des significations méprisantes qui précèdent. Ce serait là une troisième étymologie possible du mot.

10.26 Ne les craignez donc point ; car il n'y a rien de couvert qui ne doive être découvert, ni rien de caché qui ne doive être connu.
  Donc, conclusion de ce qui précède.

Puisqu'il ne se peut pas que les hommes ne vous haïssent comme ils m'ont haï, ne les craignez donc pas ! On ne craint pas ce qui est inévitable et prévu ; on s'apprête à l'affronter avec calme. Car -et c'est ici un second motif d'être sans crainte- il faut que la vérité soit proclamée dans ce monde, et vous devez être ses témoins. (versets 26,27)

10.27 Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière ; et ce qui vous est dit à l'oreille, prêchez-le sur les maisons.
  Quelques interprètes ont entendu le verset 26 dans le sens d'une révélation future et certaine des secrets des cœurs, mais lev. 27 est contraire à cette explication ; il s'agit de la manifestation publique de la vérité, à laquelle les disciples devaient consacrer leur vie, après avoir reçu les instructions du Maître dans l'intimité.

Les maisons, en Orient, sont surmontées d'une plate forme, d'où l'on pourrait au besoin parler à un nombreux auditoire. Mais l'expression est figurée et proverbiale et indique la grande publicité à donner à l'Evangile, qui ne renferme point de mystères.

10.28 Et ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre et l'âme et le corps dans la géhenne.
  Comparer verset 26. Nouveau motif de ne pas craindre, alors même que la proclamation courageuse de la vérité pourrait vous coûter la vie. A cette crainte sans raison d'être, opposez la seule crainte raisonnable, celle du souverain Juge. Et pour cela comparez et pesez bien les motifs de ces deux craintes : d'une part, le corps seul en la puissance des adversaires, et l'âme qui leur échappe ; d'autre part, le corps et l'âme perdus dans la géhenne éternelle. (Matthieu 5.29, note.) Combien de martyrs cette parole a soutenus jusqu'à leur dernier soupir ! D'excellents interprètes (Stier, Olshausen et d'autres) ont pensé que Jésus oppose à la crainte des hommes, non la crainte de Dieu, mais la crainte du diable. C'est lui, pensent-ils, qui perd, détruit l'âme et le corps.

Les termes mêmes du texte : celui qui est puissant, ou selon Luc Luc 12.5 "qui a l'autorité de jeter l'âme dans la géhenne," excluent absolument cette idée. (Comparer Jacques 4.12)

Et quel encouragement y aurait-il pour les disciples dans cette crainte du diable, qui les aurait au contraire asservis ? Qui ne voit enfin que Jésus, continuant son discours, (verset 29) appelle immédiatement à la confiance en Dieu, qui est inséparable de la crainte de Dieu ?

10.31 Ne craignez donc point ; vous valez mieux que beaucoup de passereaux.
  Contre la crainte des hommes il n'y a qu'un remède, la confiance en Dieu.

Pour inspirer aux siens cette confiance Jésus leur montre la divine Providence qui étend ses soins aux moindres êtres. Ces petits passereaux (le diminutif en grec rend la pensée plus touchante encore) qui ont si peu de valeur que deux se vendent pour un sou (assarion, la dixième partie de la drachme ou du denier romain), pas un seul ne périt sans la volonté de Celui qui lui a donné la vie.

Combien plus vous, enfants et serviteurs de Dieu, devez-vous avoir la confiance que pas le moindre mal, fut-ce la perte d'un de vos cheveux, (Luc 21.18 ; Actes 27.34) ne peut vous atteindre sans cette même volonté divine !

10.32 Tout homme donc qui me confessera devant les hommes, je le confesserai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux.
  Comparer Luc 12.8. Ces paroles sont la conclusion de ce qui précède (donc) et présentent un nouvel argument en faveur de la persévérance au sein des dangers et des souffrances. Elles se rattachent a l'idée déjà émise (verset 28) de la crainte qu'il faut avoir du Juge suprême.

Confesser Jésus Christ devant les hommes, se déclarer à lui et pour lui (grec confesser en moi), ou le renier par lâcheté ou manque d'amour, c'est là ce qui divise notre humanité en deux parts.

Mais c'est là aussi ce qui la divisera devant Dieu au jour du jugement. Et il ne faut pas oublier qu'il y a diverses manières de confesser ou de renier le Sauveur.

- Qui est cet homme qui fait dépendre de la confession de son nom, de la fidélité à sa personne, toute la vie religieuse et morale, et même la destinée éternelle de ceux qui l'écoutent ? (Comparer verset 37)

10.36 et un homme aura pour ennemis les gens de sa maison.
  Ainsi donc, vous, mes disciples, vous devez vous attendre à I'opposition, à la lutte.

- Sans aucun doute Jésus est venu apporter la paix sur la terre, (Luc 2.14 ; Jean 14 ; 27 ; Ephésiens 2.14 ; 18) mais une paix que précède le combat, l'épée.

Pourquoi ? La sainte vérité qu'il proclame vient se heurter au mensonge à la corruption, à l'inimitié qui règnent sur cette terre. De là, la division pénétrant jusqu'au sein de la famille, entre ceux qui veulent obéir à Jésus-Christ et ceux qui le rejettent. (Comparer Michée 7.6, d'où Jésus emprunte les paroles du verset 35.)

Tel est partout et toujours le premier effet d'une prédication puissante de l'Evangile. Jésus dit, d'après le terme original : "Qu'il n'est pas venu jeter, introduire brusquement, la paix, mais l'épée."

Il n'y a ni paradoxe ni figure de rhétorique dans cette parole, elle dépeint l'effet premier, actuel de l'Evangile qui est le trouble, la division, mais elle donne à entendre aussi qu'après ces luttes inévitables viendra la paix, fin dernière de la venue du Sauveur.

10.37 Celui qui aime père ou mère plus que moi, n'est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n'est pas digne de moi.
  Tout amour terrestre, même le plus légitime et le plus pur, subordonné à l'amour de Jésus, telle est la loi suprême de son règne. Que faudrait-il penser de celui qui revendique ce droit de Dieu, s'il n'était pas Dieu ?

- Du reste, l'amour de Jésus, loin d'exclure les affections de la famille, les rend plus saintes et plus douces à quiconque lui en a fait le sacrifice. Ici encore, "celui qui perd sa vie, la trouve." (verset 39)

10.38 Et celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi.
  Allusion à l'usage qui voulait que les condamnés prissent et portassent eux mêmes la croix, instrument de leur supplice. (Jean 19.17)

Allusion non moins évidente à l'heure suprême où lui-même serait ce condamné. Jésus savait d'avance de quelle mort il mourrait : cela ressort de Matthieu 16.21-24, où il répète cette même parole dans un rapport direct avec sa mort.

Pour ses disciples, prendre leur croix et le suivre, c'est renoncer à tout et tout souffrir avec lui et pour lui, y compris la mort. Il s'est acquis sur la croix le droit de parler ainsi, le droit suprême de l'amour.

10.39 Celui qui aura trouvé sa vie, la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie à cause de moi, la trouvera.
  Voici donc l'alternative : (grec) trouver son âme, sa vie propre, la conserver en ce monde en fuyant la mort corporelle, (verset 28) c'est la perdre pour le jour des décisions éternelles. Mais la perdre dans le temps, lentement par la souffrance ou brusquement par le martyre, c'est la trouver pour l'éternité.

Il ne faut pas borner le sens de ces paroles à la vie extérieure, mais l'étendre à la vie de l'âme dans ce sens elles concernent tous les chrétiens. En effet, dans les langues de l'Ancien et du Nouveau Testament, le mot que nous rendons par la vie signifie l'âme, l'âme comme siège de la vie et avec toutes les facultés dont Dieu l'a douée. On pourrait donc traduire littéralement : "Celui qui aura trouvé son âme, perdra son âme." (Ainsi Matthieu 2.20 ; 6.25 ; 10.28,39, comparez surtout Matthieu 16.25,26)

10.40 Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé.
  Le Seigneur termine son discours (versets 40-42) par un dernier encouragement donné aux disciples qu'il envoie dénués de tout, (versets 9,10) en les assurant que Dieu lui-même se chargera de répandre ses riches bénédictions sur ceux auxquels ils auront recours, et qui les recevront avec amour dans leurs maisons.

Pour leur ôter tout scrupule à cet égard, il condescend à les assimiler à lui-même qui les envoie, bien que, d'autre part, il n'hésite pas à s'assimiler à Dieu qui l'a envoyé. Mais ces paroles ont ce sens plus intime encore que ceux qui reçoivent les serviteurs de Jésus le reçoivent réellement lui-même, car il vit en eux, comme le Père est en lui. (Jean 17.22,23 ; comparez Jean 13.20 et Matthieu 25.40)

10.41 Celui qui reçoit un prophète, en qualité de prophète, recevra une récompense de prophète, et celui qui reçoit un juste, en qualité de juste, recevra une récompense de juste.
  Grec : reçoit un prophète en nom de prophète, un juste en nom de juste, c'est-à-dire en considération de ce qu'impliqua ce nom, ou, comme nous traduisons, en qualité de.

Ces paroles expliquent et généralisent celles qui précèdent, sans que Jésus cesse de les appliquer à ses disciples, car ils étaient à la fois des prophètes en tant que chargés d'un message divin, et des justes par leur communion avec le Sauveur. Ceux donc qui les recevront en cette qualité leur sont assimilés à l'égard de la récompense, (comparez Matthieu 6.1,2, notes) parce qu'ils se montrent animés du même esprit qu'eux, du même amour pour le Maître qui les a envoyés.

10.42 Et quiconque aura donné à boire seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits, en qualité de disciple, je vous dis en vérité qu'il ne perdra point sa récompense.
  Grec : quiconque aura abreuvé un seul de ces petits d'une coupe d'eau froide seulement. Encore la pensée des verset 40, 41, mais plus généralisée et toujours appliquée d'abord aux disciples et aux moindres secours qu'ils pourront recevoir. Cette application première est d'autant plus touchante que les disciples seront eux-mêmes dans le monde de ces petits, pauvres, faibles, méprisés, méconnus de tous, excepté de ceux qui sauront reconnaître, apprécier leur qualité de disciples.

Quel contraste entre cette coupe d'eau froide et la récompense éternelle !

C'est qu'à ce léger service se rattache un mouvement d'amour, qui en Dieu ne saurait jamais se perdre. (Comparer Matthieu 26.13)

"Nous apprenons ici qu'auprès de Dieu les œuvres sont appréciées par le cœur, et non le cœur par les œuvres." Grotius. (Marc 9.41)

11.1 Et il arriva, quand Jésus eut achevé de donner ses ordres à ses douze disciples, qu'il partit de là pour enseigner et prêcher dans leurs villes.
  Chapitre 11. Effets produits par le ministère du Messie

Il partit de là, où il avait donné ses ordres aux disciples, (Matthieu 10.1) et, tandis que ceux-ci remplissaient leur mission, lui poursuivait : la sienne (Matthieu 9.35) dans ces mêmes villes et villages de la Galilée où il l'avait commencée.

Le pronom leurs villes ne désigne donc pas les villes des disciples, celles d'où ils étaient originaires, mais celles des Galiléens.