|
Chapitre 21. La passion
Les derniers jours. L'entrée royale à Jérusalem.
1 à 11 L'entrée de Jésus à Jérusalem.
Comparer Marc 11.1-11 ; Luc 19.29-44 ; Jean 12.12-19.
- Bethphagé, "maison des figues," localité inconnue dans l'Ancien Testament. Il n'en reste plus aucune trace et on en ignore même la situation précise.
On a pensé que ce nom de Bethphagé désignait, non un village, mais un faubourg de Jérusalem, entre les murs de la ville et le Cédron (E. Stapfer, La Palestine, p. 66, 67), ou bien la banlieue tout entière du côté du mont des Oliviers (F. Godet, Comment. sur Luc 19.29).
Ces opinions se fondent sur le Talmud, qui mentionne plusieurs fois ce nom. D'autre part, M. F. Bovet (Voyage en Terre Sainte, 7e édition, p. 202) a observé, "à l'extrémité de l'étroit plateau qui se trouve au sommet de la montagne, un petit village qu'il serait assez tenté de prendre pour Bethphagé."
Il est naturel, d'après les récits comparés des évangiles, de le chercher entre Béthanie et Jérusalem. Or cette supposition est appuyée par Schubert (Voyage en Orient, tome II, p. 569 et 571), qui a trouvé au même lieu "des maisons entourées d'arbres." Il les prit d'abord pour Béthanie, mais il y reconnut bientôt la situation de Bethphagé. Il place cette localité sur le col qui sépare les deux sommités du mont des Oliviers.
S'il en est ainsi, on se demande seulement pourquoi Marc et Luc nomment Bethphagé avant Béthanie, qui, plus à l'est, se trouve en premier sur la route. On ne saurait le dire. Ce qui leur importe, c'est de marquer l'approche du mont des Oliviers et de Jérusalem ; et comme ils ne rapportent pas les séjours de Jésus à Béthanie, ils sont avant tout préoccupés de Bethphagé, où les deux disciples vont être envoyés pour préparer l'entrée à Jérusalem.
- D'après les récits des trois premiers évangiles, il semble que Jésus, avec le cortège qui l'accompagnait, serait allé directement de Jéricho (Matthieu 20.29) à Jérusalem, tandis que, d'après la relation de Jean, (Jean 12.1) il s'arrêta à Béthanie, au moins un jour, et partit de là pour faire son entrée à Jérusalem. (vers. 12 et suivants) En outre, d'après Jean, le repas qui eut lieu à Béthanie et où Jésus fut oint par Marie, eut lieu "six jours avant la Pâque," tandis que Matthieu (Matthieu 26.6) et Marc (Marc 14.3) paraissent le placer deux jours avant la fête. Jean rectifie sur ce point comme sur d'autres (Jean 3.24) la tradition synoptique.
verset 1 (b) Alors, petit mot que nos versions ordinaires ont cru pouvoir omettre comme superflu et qui a une grande signification. Plusieurs fois Jésus était entré à Jérusalem, mais en silence et comme perdu parmi la foule ; maintenant, parvenu au terme de son dernier voyage, il ordonne lui-même à ses disciples de lui préparer cette entrée royale par laquelle il prend solennellement possession du royaume qu'il va fonder. (Marc 11.10) Il sait que son heure est venue, que ceux qui ont cru en lui sont prêts à l'acclamer de leurs hosannas ! (vers. 9), et quant à ses adversaires, dont le parti est pris, il n'a plus à ménager leurs préjugés. Moment décisif et tragique dans sa vie. |
|
La bourgade où Jésus envoie ses disciples est sans doute Bethphagé.
- La précision de toutes les indications que Jésus donne à ses disciples nous dévoile la parfaite connaissance qu'il avait de tout ce qu'ils allaient rencontrer en s'acquittant de leur mission. Il sait qu'ils trouveront l'ânesse et l'ânon dès leur entrée dans la bourgade (aussitôt) ; il sait que leur propriétaire, qui sans doute le connaissait, les cédera sans difficulté, parce qu'il en a besoin dans ce moment solennel.
Les trois premiers évangiles sont en parfait accord, excepté sur un seul détail. Tandis que Matthieu mentionne, à côté de l'ânon, l'ânesse, sa mère, Marc et Luc, aussi bien que Jean, ne parlent que de l'ânon. C'est que cet ânon sur lequel Jésus devait monter importait seul au récit. Matthieu est ici plus complet. La critique rationaliste a tort de prétendre qu'il ajoute ce détail pour se conformer à la prophétie qu'il va citer (vers. 4), et qu'il aurait mal comprise. |
|
Cette prophétie, le Sauveur lui-même voulut l'accomplir d'une manière littérale ; aussi Jean (Jean 12.15) en marque-t-il également la réalisation dans son récit.
Matthieu la cite librement d'après les Septante et en combinant deux passages des prophètes. Les premiers mots : Dites à la fille de Sion, sont empruntés à Esaïe 62.11. La fille de Sion est un hébraïsme désignant Jérusalem tout entier. La prophétie elle-même est tirée de Zacharie, (Zacharie 9.9) où on lit dans l'hébreu "Tressaille de joie, fille de Sion, pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici ton Roi vient à toi, juste et victorieux (ou Sauveur), lui pauvre, et monté sur un âne et sur un ânon, fils d'une ânesse."
Voici maintenant la citation de Matthieu littéralement traduite d'après le vrai texte : "Voici, ton Roi vient à toi, doux et monté sur un âne, et sur un poulain, fils de celle qui est sous le joug," ou d'une bête de somme. Il est évident que, soit dans l'hébreu, soit dans la citation de Matthieu, le mot : et sur un poulain signifie : c'est-à-dire sur un poulain, et l'évangéliste, comme le prophète, n'attribue à Jésus qu'une seule et même monture. Cette remarque est nécessaire pour prévenir un étrange malentendu attribué à Matthieu par une certaine critique dans l'interprétation du verset 7. (Voir la note.)
La pensée du prophète et celle de l'évangéliste, en nous décrivant l'humble monture du Sauveur au moment de son entrée royale à Jérusalem, est clairement indiquée par leurs expressions : ils y voient le signe de la douceur et de l'esprit pacifique, de la pauvreté et de l'abaissement du Messie, au moment même où il aurait pu aspirer à la puissance et à la gloire. |
|
Toute la ville fut mise en émoi par cet immense cortège et par les acclamations qu'il faisait entendre.
La question : Qui est celui-ci ? venait de ceux des habitants de Jérusalem qui ne connaissaient point encore Jésus ; et la réponse qui suit était donnée par les foules qui lui faisaient cortège en lui rendant hommage. Comme la plupart de ceux qui composaient ces foules venaient de la Galilée, ce n'était pas sans un certain orgueil national qu'ils annonçaient, comme originaire de leur province, le grand prophète, prédit par les Ecritures et manifesté comme tel par toute sa vie.
Ainsi fut atteint l'un des buts de cette entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Il y fut acclamé en présence de cette population qui n'avait fait aucune attention à sa parole et à ses uvres. Mais, en même temps, les caractères de cette entrée royale étaient propres à détruire les fausses espérances messianiques de son peuple. Et ce ne fut qu'après sa résurrection et son retour dans la gloire, que ses disciples eux-mêmes comprirent toute la spiritualité et la grandeur divines de son éternelle royauté. |