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La possession de la vie éternelle (versets 6-12) nous donne l'assurance (grec) envers Dieu qu'il nous écoute, et qu'il accorde à ses enfants toutes les grâces qu'ils lui demandent, pourvu que ce soit selon sa volonté. (verset 14)
En effet, comment Celui qui a donné le plus, ne donnerait-il pas aussi le moins ?
Mais, malgré la puissance de cette raison, l'apôtre en produit une plus immédiate encore, celle de l'expérience, ou des faits : nous savons que Dieu écoute ou exauce la prière, parce que, si souvent déjà et de toutes manières, il nous a accordé ce que nous lui avons demandé. (verset 15)
- Tel nous paraît être le sens de verset 15. D'autres le traduisent ainsi : "Et si nous savons qu'il nous écoute, nous savons (aussi) que nous avons (recevrons, le présent mis pour le futur) les choses que nous lui avons demandées." Raisonnement par trop naïf ! |
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La prière du chrétien pour lui-même (versets 14,15) devient nécessairement prière pour ses frères, au moyen de la communion intime et vivante qui les unit et qui confond leurs intérêts éternels dans un même amour.
Ainsi tout fidèle qui voit son frère pécher et qui l'aime, deviendra son intercesseur auprès de Dieu ; et il a ici la miséricordieuse promesse qu'il rendra à cette âme la pardon et la vie. Il demandera et il lui donnera la vie.
Quel est le sujet de ce dernier verbe ? Les uns répondent : Dieu, et la plupart de nos versions introduisent ce mot dans le texte. Mais il est plus naturel de donner aux deux verbes le même sujet : le frère qui prie, dont il est encore question à la fin du verset. Il donnera la vie à celui pour qui il intercédera, en lui procurant par sa prière le pardon et le secours de Dieu. (Comparer Jacques 5.15) Telle est, d'après l'apôtre, la puissance de la prière, qu'elle met le croyant, pour ainsi dire, en possession de la toute-puissance de Dieu. A une condition toutefois : c'est que le pécheur pour lequel on prie ne pèche pas d'un péché à la mort.
Que faut-il entendre par là ? Non pas un acte isolé, une transgression quelque grave qu'elle soit de la loi de Dieu, et dans laquelle un chrétien serait tombé par faiblesse, par manque de vigilance, ou par l'entraînement d'une tentation ; mais ce péché à la mort révèle un état de mort spirituelle où est arrivée une âme qui a connu la vérité et commencé de vivre la vie nouvelle.
Une longue suite de péchés volontaires, la négligence des moyens de grâce, les séductions du monde, peuvent amener un tel état, qui a beaucoup de rapport avec le péché contre le SaintEsprit. (Matthieu 12.31,32) Alors, toute communion avec Dieu ayant cessé par l'abandon du Sauveur, l'âme devient étrangère aussi à la communion fraternelle et échappe aux influences bénies de l'intercession.
Jean ne défend pas de prier pour ce péché-là mais il ne le commande pas : Je ne dis pas (grec) qu'il prie pour ce péché-là. Et comme il arrive rarement que l'homme ait une connaissance suffisante et une conviction bien fondée d'un tel état d'âme chez son frère, il convient de ne faire usage de cet avertissement de l'apôtre qu'avec une extrême prudence et selon les conseils d'une vraie charité.
Pour rassurer les chrétiens sincères, mais toujours faillibles, l'apôtre ajoute : (verset 17) Sans doute, toute iniquité, tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu, (1Jean 2.29 ; 3.7) est péché, et le chrétien, qui pratique la justice selon que son Dieu Sauveur est "juste," (1Jean 3.7) ne doit pas le tolérer dans sa vie ; mais il peut, malgré tout, se trouver chez lui tel péché, qu'il reconnaît, dont il se repent, que Dieu pardonne et qui dès lors ne détruit point le principe de la vie, n'est point à la mort. (1Jean 1.9 ; 2.1) |
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A la redoutable alternative du péché qui mène à la mort, (verset 16) l'apôtre oppose la certitude (nous savons) du salut assuré à quiconque est né de Dieu. (Comparer Hébreux 6.4 et suivants avec Hébreux 6.9 et suivants)
Il ne pèche point, et par conséquent, il n'est pas exposé à commettre le péché qui mène à la mort. Cette affirmation absolue : il ne pèche point, est en contradiction avec ce que l'apôtre vient de concéder, (verset 17) que dans toute vie chrétienne il y a des iniquités qui sont des péchés. Il n'est pas nécessaire, pour lever la contradiction, de sous-entendre : il ne pèche point "d'un péché qui mène à la mort," et par une conclusion inverse : celui qui commet ce péché n'est pas né de Dieu.
Il suffit de considérer que celui qui est né de Dieu l'est par la foi et ne jouit de l'immunité que lui confère cette naissance de Dieu que pour autant qu'il demeure par la foi en Dieu. (Comparer 1Jean 3.6,9, notes.)
Mais si, par la foi, il se maintient dans sa position d'enfant de Dieu, il se garde lui-même (texte reçu, Weiss, d'après Sin., majuscules) ou : le garde, s'attache à lui, c'est-à-dire à Dieu, (Tischendorf, Westcott-Hort Nestle d'après B. A).
Et le malin, c'est-à-dire le diable, ne le touche point, ou, comme d'autres traduisent, il n'a aucune prise sur lui. On peut dire de lui ce que le Maître disait de soi-même. (Jean 14.30) |
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Le monde gît dans le mal, mais nous savons que le Fils de Dieu est venu ! Grand et consolant contraste, qui subsisterait même s'il fallait admettre la variante de A : Et nous savons. Il est venu et il est là : telle est la signification précise du verbe grec qui se retrouve Jean 8.42.
De même que les sens sont pour nous le moyen de percevoir le monde visible, que la raison est l'organe par lequel nous nous mettons en possession des vérités qui appartiennent à ce monde, de même le Fils de Dieu, venu sur la terre, a donné à ceux qui lui ouvrent leur cur un sens nouveau, l'intelligence (spirituelle) pour connaître le Véritable et tout ce qui vient de lui.
Ce sens intime, c'est la foi, opérée par le Saint-Esprit, et qui nous met en communion avec Dieu. Jean appelle cette communion être dans le Véritable. Mais nous ne sommes dans ce Véritable que parce que nous sommes en Jésus-Christ, seul Médiateur de notre communion avec Dieu. Jean, qui avait, comme Israélite, connu le vrai Dieu dès son enfance, confesse n'avoir reçu l'intelligence pour le connaître comme le Véritable, que depuis qu'il est en Jésus-Christ. (Jean 14.6,9,10)
- Ces paroles se relient aussi à ce qui précède (versets 18,19) concernant la précieuse assurance que nous avons de la vie éternelle. (verset 13) L'apôtre exprime cette assurance par ce mot trois fois répété : (versets 18,19,20) "Nous savons !"
Dans la note qui précède, nous avons deux fois appliqué à Dieu, le Père, l'épithète : le Véritable, et pour maintenir l'harmonie de la pensée de Jean nous inclinons à rattacher au même sujet la troisième déclaration : C'est lui, Dieu, qui est le Dieu véritable, etc.
Ceux qui la rapportent à Jésus-Christ en donnent pour raisons :
1° Que le pronom désigne plus naturellement le sujet nommé en dernier lieu.
2° Que cette déclaration : lui est le Dieu véritable, appliquée au Père, après que l'épithète de Véritable lui a déjà été appliquée deux fois, n'est plus qu'une répétition traînante et inutile.
3° Que les mots la vie, la vie éternelle sont habituellement attribués, non à Dieu, mais au Fils de Dieu. (1Jean 1.2 ; Jean 1.4 ; 11.25)
- De son côté, l'opinion contraire s'appuie sur les observations suivantes :
1° Le ton solennel de toute la pensée exige que la troisième déclaration se rapporte au même sujet que les deux premières. Or ce sujet, c'est Dieu le Père, non Jésus Christ, qui n'est nommé ici qu'incidemment et comme Médiateur de notre communion avec Dieu.
2° Ce qualificatif : le Dieu véritable, n'est jamais appliqué à JésusChrist, quoique comme Parole il soit appelé Dieu ; (Jean 1.1) mais il est appliqué, par Jésus lui-même, à Dieu, et cela en des termes qui le lui réservent exclusivement : seul Dieu véritable. (Jean 17.3)
3° Jean distingue toujours soigneusement le Père et le Fils par les attributs qu'il leur donne, il le fait même dans notre passage, par ce mot son Fils, Jésus Christ. Or, si la troisième déclaration s'appliquait au Fils, l'apôtre introduirait dans sa pensée une confusion d'idées qu'il évite toujours.
4° L'exhortation qui suit, relative aux idoles, suppose que l'apôtre leur oppose le Dieu, Dieu véritable. |
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Ce dernier avertissement, plein d'une tendre et paternelle affection, n'est pas dirigé contre le retour à l'idolâtrie extérieure, dans le culte païen. Le danger d'une telle rechute ne devait guère exister pour des chrétiens aussi avancés que l'étaient les destinataires de l'épître. Ces idoles sont opposées au Dieu véritable. (verset 20)
Ce sont donc les fausses idées de Dieu que les hommes se font en tout temps. Celui qui n'a pas le Fils de Dieu pour Sauveur n'a point Dieu ; (1Jean 2.23) et l'être imaginaire qu'il croit adorer dans le ciel, n'est qu'une idole.
Mais il ne faudrait pas limiter au domaine de la pensée le péril contre lequel l'apôtre met ses frères en garde. Les idoles n'étaient pas seulement des représentations erronées de Dieu, mais les passions diverses qui les poussaient à transgresser les commandements divins, (1Jean 2.4) à haïr leurs frères, (1Jean 2.9) à aimer le monde. (1Jean 2.16)
"On n'a guère à se défendre des idoles de pierre ; mais combien il y en a dans notre cur auxquelles nous ne sommes que trop attachés. Tout ce que nous aimons contre la loi de Dieu est l'idole que nous adorons. Où nous cherchons notre bonheur, c'est là qu'est notre Dieu." Quesnel. |