Actes   16.1  à  16.12

1. Or il arriva à Derbe et à Lystre. Et voici, il y avait là un disciple nommé Timothée, fils d'une femme juive fidèle, mais d'un père grec, 2. auquel les frères qui étaient à Lystre et à Iconium rendaient un bon témoignage. 3. Paul voulut l'emmener avec lui, et l'ayant pris, il le circoncit, à cause des Juifs qui étaient en ces lieux-là, car tous savaient que son père était grec. 4. Et comme ils parcouraient les villes, ils leur transmettaient, pour les observer, les ordonnances rendues par les apôtres et les anciens de Jérusalem.

5. Ainsi les Eglises s'affermissaient dans la foi, et croissaient en nombre, de jour en jour.

6. Or ils traversèrent la Phrygie et le pays de Galatie, ayant été empêchés par le Saint-Esprit d'annoncer la parole en Asie. 7. Et étant venus près de la Mysie, ils essayaient d'entrer en Bithynie ; mais l'Esprit de Jésus ne le leur permit pas. 8. Et ayant franchi la Mysie, ils descendirent à Troas.

9. Et une vision apparut à Paul pendant la nuit : un homme macé- donien se tenait là, et il le priait et disait : Passe en Macédoine et secours-nous. 10. Dès qu'il eut vu cette vision, nous cherchâmes aussitôt à passer en Macédoine, concluant que le Seigneur nous appelait à leur annoncer l'Evangile. 11. Etant donc partis de Troas, nous cinglâmes directement vers la Samothrace, et le lendemain vers Néapolis. 12. Et de là nous allâmes à Philippes, qui est la première ville de ce district de la Macédoine, et une colonie. Et nous séjournâmes quelques jours dans cette ville.

PLAN
  1. Visite à Derbe et Lystre. Timothée associé aux missionnaires
    Arrivé à Derbe et à Lystre, Paul y trouve un disciple, Timothée, né d'une Juive et d'un païen, jouissant de l'estime des frères. Résolu de le prendre avec lui, Paul le circoncit, à cause des Juifs. (1-3.)
  2. Promulgation des décisions de la conférence de Jérusalem
    Parcourant les villes de ces contrées, ils font connaître aux fidèles ces ordonnances et leur recommandent de les observer. Les Eglises grandissent en foi et en nombre. (4, 5.)
  3. A travers l'Asie Mineure
    Ils parcourent les provinces du centre, empêchés par l'Esprit de pénétrer dans l'Asie proconsulaire. Ils descendent à Troas. (6-8.)
  4. Vision de Paul à Troas. Départ pour la Macédoine
    Un Macédonien apparut à Paul, pendant la nuit, l'appelant à l'aide. Paul et ses compagnons en concluent que le Seigneur les invite à passer en Macédoine, et ils cherchent une occasion. Ils font voile de Troas pour la Samothrace, d'où ils passent le lendemain à Néapolis. Ils se rendent de là à Philippes, où ils séjournent. (9-12.)
NOTES
16.1 Or il arriva à Derbe et à Lystre. Et voici, il y avait là un disciple nommé Timothée, fils d'une femme juive fidèle, mais d'un père grec,
  Chapitre 16.

1 à 12 De Derbes à Philippes.

Paul avait annoncé l'Evangile et fondé des Eglises à Derbe et à Lystre dans son premier voyage de mission. (Actes 14)

Venant cette fois de la Cilicie, (Actes 15.41) il arrive d'abord à Derbe. (Actes 14.7, note.)

Il retrouva à Lystre Timothée, qu'il avait précédemment gagné à la foi, comme on le conclut de 1Corinthiens 4.17, où il l'appelle son enfant bien aimé, et qui allait devenir son fidèle compagnon d'œuvre. (Actes 14.20, note. voir l'introd. aux épîtres pastorales.)

Timothée était bien de Lystre et non de Derbe, comme on a voulu le conclure de Actes 20.4. (Voir la note.)

Tout jeune qu'il était encore, les chrétiens de ces contrées lui rendaient un bon témoignage. Cette circonstance contribua à la résolution de l'apôtre. (verset 3)

La mère de Timothée, qui s'appelait Eunice, (2Timothée 1.5) était une Juive devenue fidèle croyante, c'est-à-dire chrétienne. Elle avait élevé son fils, dès sa tendre enfance, "dans la connaissance des saintes lettres." (2Timothée 3.15)

Le père de Timothée était Grec, né païen, peut-être devenu "prosélyte de la porte."

16.3 Paul voulut l'emmener avec lui, et l'ayant pris, il le circoncit, à cause des Juifs qui étaient en ces lieux-là, car tous savaient que son père était grec.
  Toute la vie de Timothée prouva combien Paul l'avait bien jugé en désirant de l'emmener avec lui (grec qu'il partît avec lui).

C'était aussi un acte de sagesse et de charité chrétienne que de le circoncire, car, sans cette précaution, l'apôtre n'aurait pas pu, selon son habitude, annoncer l'Evangile aux Juifs, scandalisés de le voir accompagné d'un jeune homme né d'une femme juive et d'un père païen et qui n'aurait pas reçu la circoncision.

- On a dit que, si ce fait était vrai, l'apôtre se serait mis en contradiction avec ses propres principes, avec sa conduite à Actes 15, et avec son refus énergique de laisser circoncire Tite. (Galates 2.3)

Mais Paul agit selon sa grande maxime : "Se faire tout à tous, afin d'en sauver quelques-uns." (1Corinthiens 9.19-23)

Il faut bien remarquer, en effet, que c'est à cause des Juifs, et afin de ne pas se fermer les portes de leurs synagogues, qu'il circoncit Timothée ; il ne l'aurait jamais fait pour céder aux exigences de chrétiens judaïsants qui auraient considéré la circoncision comme une condition de salut.

Ainsi sa conduite est en parfaite harmonie avec Actes 15.1,2 et avec Galates 2.3.

16.4 Et comme ils parcouraient les villes, ils leur transmettaient, pour les observer, les ordonnances rendues par les apôtres et les anciens de Jérusalem.
  Ces ordonnances, ou décisions rendues à Jérusalem, étaient les prescriptions relatives aux choses dont les païens convertis devaient s'abstenir, par égard pour leurs frères d'origine juive. (Actes 15.29)

Paul les transmettait fidèlement aux Eglises. (Actes 15.23, 2e note.)

16.5 Ainsi les Eglises s'affermissaient dans la foi, et croissaient en nombre, de jour en jour.
  Les Eglises grandissaient intérieurement dans la foi et la vie chrétienne, et extérieurement, quant au nombre de leurs membres. Double prospérité bien rare.

Luc place ici cette remarque, (Actes 9.31) sans doute pour faire sentir que l'accroissement des Eglises avait pour cause la présence et l'activité de Paul au milieu d'elles.

16.6 Or ils traversèrent la Phrygie et le pays de Galatie, ayant été empêchés par le Saint-Esprit d'annoncer la parole en Asie.
  Il faut suivre sur une carte de l'Asie Mineure cet itinéraire de nos évangélistes, (versets 6-8) pour s'en bien rendre compte.

Ils partent de Lystre en Lycaonie (verset 1) De là ils allèrent sûrement à Antioche de Pisidie, où ils avaient eu un si beau succès dans le premier voyage. (Actes 13)

Après cela, ils voulaient diriger leur course à l'ouest et aller dans l'Asie proconsulaire, située vers la mer Egée, où ils auraient annoncé l'Evangile à Ephèse, ville principale de tout le pays. Mais le moment n'était pas venu ; ils en furent empêchés par le Saint-Esprit.

Revenant donc vers le nord-est, ils traversèrent la Phrygie et le pays de Galatie (grec la contrée galatique).

Luc désigne par cette dernière expression la région qui avait été occupée par des tribus gauloises ou celtes au troisième siècle avant Jésus-Christ et dont les principales villes étaient alors Ancyre, Radium, Pessinonte. Son récit présente ici une lacune.

Paul ne se contenta pas de traverser la Galatie ; il y fut retenu par une maladie, et cet arrêt forcé lui donna l'occasion d'évangéliser cette contrée, (Galates 4.13) et d'y fonder des Eglises importantes, auxquelles il adressa plus tard, peu après une seconde visite qu'il leur fit, (Actes 18.23) l'épître aux Galates. (Voir l'Introduction à cette épître.)

De nombreux historiens et interprètes (Mynster, Paulus, Thiersch, Weizsäcker, Renan, Sabatier, Ramsay, Zahn) estiment, il est vrai, que l'épître aux Galates est adressée aux Eglises que Paul avait fondées, avec Barnabas, dans son premier voyage missionnaire : Antioche de Pisidie, Iconium, Lystre, Derbe. (Actes 13 et Actes 14)

L'apôtre entendrait par la Galatie la province romaine de ce nom, constituée l'an 25 avant Jésus-Christ, et qui comprenait, outre le pays primitif des Galates, les régions avoisinantes au midi, la Pisidie et la Lycaonie. Nous ne pouvons entrer ici dans cette discussion : les principaux arguments en faveur de la dernière opinion sont exposés dans le Saint Paul d'E. Renan (p. 48 et suivants) et dans l'article Galates de l'Encyclopédie de Lichtenberger, par M. Sabatier.

L'opinion traditionnelle est défendue par des savants tels que Grimm, Holsten, Hilgenfeld, Siefert, Lipsius, Wendt et Godet (Introduction au Nouveau Testament, I, p. 219).

Elle nous paraît la plus probable. Seule elle s'accorde avec les brefs renseignements de Luc dans notre passage ; celui-ci entend évidemment par le pays de Galatie une contrée différente de celle où se trouvaient Derbe et Lystre, puisque les évangélistes ne l'abordent qu'après avoir quitte ces villes (verset 3) et passé par d'autres lieux, (verset 4) et notamment traversé la Phrygie. (verset 6)

Pour tourner cette difficulté on a présenté les premiers mots de verset 6 comme une récapitulation de versets 1-5 et proposé de les traduire : Après avoir traversé - comme il vient d'être raconté - la Phrygie et le pays de Galatie.

Mais cette interprétation suppose le texte reçu (majuscules récents), et même avec ce texte, elle est peu naturelle. Or la leçon : ils traversèrent, est attestée par Sin., B, A, C, D, E.

16.8 Et ayant franchi la Mysie, ils descendirent à Troas.
  Luc nous montre les missionnaires, qui étaient venus près de la Mysie, à la frontière de cette province, se disposant à aller en Bithynie.

Ils se seraient avancés ainsi vers le nord-est et auraient été conduits au bord de la mer Noire.

Mais l'Esprit de Jésus ne le leur ayant pas non plus permis, ils passèrent la Mysie, se dirigeant vers l'ouest, et ils descendirent à Troas, au bord de la mer Egée, près des lieux où avait été l'ancienne Troie.

Là, ils sont en face de la Macédoine et de l'Europe, but vers lequel les conduisait l'Esprit de Dieu. (verset 9)

C'est bien le Saint-Esprit (verset 6) qui dirigeait les serviteurs de Dieu dans ce voyage, et non leur propre esprit de sagesse et de prudence.

L'expression : l'Esprit de Jésus (Sin., B, A, D), ne se trouve qu'ici dans le Nouveau Testament, qui dit toujours : l'Esprit de Christ, ou du Seigneur, ou de Dieu.

16.9 Et une vision apparut à Paul pendant la nuit : un homme macé- donien se tenait là, et il le priait et disait : Passe en Macédoine et secours-nous.
  La vision que Paul eut durant la nuit, probablement pendant qu'il était en prières pour demander à Dieu des directions pour son voyage, ne lui laissa aucun doute à cet égard. (verset 10)

Cet homme qui se tenait là, il le reconnut pour un Macédonien, à la prière même qu'il lui adressait : Passe en Macédoine et secours-nous.

Maintenant Paul comprend pourquoi l'Esprit divin l'avait empêché de s'arrêter davantage en Asie : l'Europe s'ouvrait devant lui !

16.10 Dès qu'il eut vu cette vision, nous cherchâmes aussitôt à passer en Macédoine, concluant que le Seigneur nous appelait à leur annoncer l'Evangile.
  L'Evangile, la bonne nouvelle du salut, tel était le grand secours que demandait le Macédonien. Les missionnaires le conclurent de sa prière.

Et comme Troas était le port de mer où l'on s'embarquait d'ordinaire pour la Macédoine et pour l'Europe, ils cherchèrent aussitôt à le faire, c'est-à-dire qu'ils se mirent en quête d'un navire qui fît le trajet.

- Ici Luc dit, pour la première fois, d'après la recension orientale, nous, indiquant modestement, par ce changement de personne, qu'il venait de rejoindre Paul à Troas. Dès ce moment et dans tous les morceaux où il trahit ainsi sa présence, son récit devient beaucoup plus clair plus précis, plus détaillé.

16.11 Etant donc partis de Troas, nous cinglâmes directement vers la Samothrace, et le lendemain vers Néapolis.
  La Samothrace, grande île de la mer Egée, entre l'Asie Mineure et la Macédoine.

Néapolis, port de mer de Philippes, qui était à quelque distance dans l'intérieur.

16.12 Et de là nous allâmes à Philippes, qui est la première ville de ce district de la Macédoine, et une colonie. Et nous séjournâmes quelques jours dans cette ville.
  Voir, sur cette ville, l'introduction à l'épître aux Philippiens.

La première ville ne signifie pas que ce fût la capitale du district. (La Macédoine avait été divisée par Paul Emile en quatre districts.) La capitale de ce district était Amphipolis. (Actes 17.1)

On a donc expliqué de diverses manières le qualificatif de première ville.

Selon les uns ce terme indiquerait simplement que ce fut là la première ville de la Macédoine où Paul s'arrêta et annonça l'Evangile.

Mais les mots de ce district s'opposent à ce sens. Il faut donc admettre que Philippes portait ce titre en sa qualité de colonie romaine.