Matthieu   5.17  à  5.48

17. Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis point venu abolir, mais accomplir. 18. Car en vérité je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre aient passé, il ne passera pas de la loi un seul iota, ni un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout ait été accompli. 19. Celui donc qui aura violé l'un de ces plus petits commandements, et qui aura ainsi enseigné les hommes, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les aura observés et enseignés, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20. Car je vous dis que si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux.

21. Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; et celui qui aura tué sera punissable par le jugement. 22. Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère, sera punissable par le jugement ; et celui qui aura dit à son frère : Raca ! sera punissable par le sanhédrin, et celui qui lui dira fou, sera punissable par la géhenne du feu. 23. Si donc tu apportes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24. laisse là ton offrande devant l'autel, et va premièrement, réconcilie-toi avec ton frère, et alors, viens présenter ton offrande. 25. Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur que l'adversaire ne te livre au juge et le juge à l'huissier, et que tu ne sois jeté en prison. 26. Je te le dis en vérité, tu ne sortiras pas de là, jusqu'à ce que tu aies payé le dernier quadrant.

27. Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras point adultère. 28. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. 29. Or si ton œil droit te fait tomber, arrache-le et le jette loin de toi, car il vaut mieux pour toi qu'un de tes membres périsse et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne. 30. Et si ta main droite te fait tomber, coupe-la, et la jette loin de toi, car il vaut mieux pour toi qu'un de tes membres périsse et que tout ton corps n'aille pas dans la géhenne.

31. Il a été dit aussi : Si quelqu'un répudie sa femme, qu'il lui donne une lettre de divorce. 32. Mais moi, je vous dis que quiconque répudie sa femme, si ce n'est pour cause de fornication, la fait devenir adultère ; et que quiconque épouse une femme répudiée, commet adultère.

33. Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras tes serments au Seigneur. 34. Mais moi, je vous dis de ne point jurer du tout ; ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu ; 35. ni par la terre, parce que c'est le marchepied de ses pieds ; ni par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand Roi. 36. Tu ne jureras pas non plus par ta tête, parce que tu ne peux rendre un seul cheveu blanc ou noir. 37. Mais que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu'on dit de plus vient du malin.

38. Vous avez entendu qu'il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent. 39. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant ; mais quiconque te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre. 40. Et à celui qui veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui aussi le manteau. 41. Et quiconque te contraindra de faire un mille, fais-en deux avec lui. 42. Donne à celui qui te demande, et ne te détourne point de celui qui veut emprunter de toi.

43. Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. 44. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent ; 45. afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. 46. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? les péagers aussi ne le font-ils pas ? 47. Et si vous ne faites accueil qu'à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens aussi ne le font-ils pas ? 48. Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.

PLAN
  1. La position du Christ à l'égard de la loi de l'ancienne Alliance
    Il n'est pas venu pour abolir, mais pour accomplir ; aucun trait de la loi divine ne passera jusqu'à ce que tout ait été accompli ; la violer ou l'observer, c'est être petit ou grand dans le royaume des cieux : et ceux-là n'y entreront point dont la justice ne surpasse pas celle des pharisiens. (17-20.)
  2. La justice supérieure, premier exemple
    Quelle est cette justice supérieure, comment faut-il interpréter la loi ? Jésus le montre par une série d'exemples empruntés à la loi morale. Premier exemple, interprétation du cinquième commandement. La loi dit : Tu ne tueras point, et le meurtrier est punissable par le jugement. Mais moi je vous dis que la colère ou des paroles de mépris ou de haine contre un frère sont une violation de la loi et méritent la condamnation. Aucun acte de piété n'est possible dans ces sentiments : va premièrement te réconcilier avec ton frère. Sois promptement d'accord avec ton adversaire, tandis qu'il en est temps, de peur que tu ne sois condamné. (21-26.)
  3. Second exemple :
    Interprétation du sixième commandement. La loi dit : Tu ne commettras point adultère ; mais moi je vous dis que regarder une femme avec convoitise, c'est violer le commandement. C'est dans le cœur qu'il faut déraciner le mal, fût-ce par un sacrifice pareil à celui de s'arracher un œil ou de se couper une main. Ainsi encore, la loi permet le divorce ; mais moi je vous dis que quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère. (27-32.)
  4. Troisième exemple :
    La loi interdit le parjure et ordonne de tenir fidèlement les serments ; mais moi je vous dis : Ne jurez point du tout, ni par des objets sacrés, ni par des choses terrestres ; mais contentez-vous d'affirmer la vérité par un oui ou un non. (33-37.)
  5. Quatrième exemple
    Il a été dit : œil pour œil, dent pour dent ; mais moi je vous dis : de ne point résister au méchant, de souffrir des injures et des pertes, de donner et de prêter libéralement. (38-42.)
  6. Cinquième exemple
    Il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ; mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous maudissent et vous persécutent, et priez pour eux, afin qu'ainsi vous soyez fils de votre Père, qui donne à tous des marques de sa bonté. Aimer ceux qui vous aiment, de quelle récompense cela est-il digne ? Le but suprême à atteindre, c'est la perfection même de Dieu. (43-48.)
NOTES
5.17 Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis point venu abolir, mais accomplir.
  17 à 48 La Loi accomplie par Jésus-Christ. Réforme de la vie morale.

La liaison de la partie du discours qui remplit les versets 17-48 avec ce qui précède n'est pas évidente, plusieurs interprètes pensent même qu'il n'en faut point chercher, mais voir ici le point de départ d'une pensée nouvelle, qui est la principale du sermon sur la montagne. Cependant, si l'on considère que le Sauveur a caractérisé les vrais membres de son royaume, ceux qui ont faim et soif de la justice (verset 6) et dont les hommes doivent voir les bonnes œuvres (v. 16), et qu'il expose maintenant l'esprit et la pratique de cette justice véritable telle que la formule la loi divine, (verset 21 et suivants) on se convaincra qu'il existe entre ces deux pensées fondamentales un lien intime.

A ce point de vue on comprend d'autant mieux la solennelle déclaration que lui, le Messie, n'est point venu, point entré dans son ministère pour abolir la loi ou les prophètes, comme le pensaient les Juifs, qui s'attendaient à ce que leur Messie transformerait toute la loi. La loi et les prophètes, c'est toute l'économie mosaïque et toutes les révélations de l'ancienne alliance, soit comme institutions, soit comme Ecriture sainte. (Matthieu 7.12 ; 22.40 ; Luc 16.16) Le Sauveur ne veut rien abolir, abroger (grec délier, dissoudre, détruire, verset 19), mais tout accomplir. Et il l'a fait de toutes manières.

1° Il a enseigné, révélé le sens complet et spirituel de la loi divine, que le pharisaïsme avait matérialisée par sa doctrine des observances extérieures. (versets 20,21 et suivants)

2° Il a lui-même accompli parfaitement la loi par sa vie sainte.

3° Il a réalisé, par toute son œuvre et surtout par sa mort, l'idée complète de l'ancienne alliance, avec ses types, ses figures, ses sacrifices, ses promesses et ses espérances. Romains 10.4 ; Hébreux 10.1 ; voir surtout Jean 19.30

Cet accomplissement, dans un sens plus élevé, plus parfait, l'Evangile de Christ l'opère à son tour dans le cœur des croyants. Romains 3.31 Ainsi Jésus a accompli la loi et les prophètes d'une manière organique et vivante, comme la fleur accomplit le bouton, comme le fruit accomplit la fleur. Et en portant nos regards plus loin, nous pouvons attendre encore pour l'avenir l'accomplissement de ce qu'il y a de plus excellent dans l'économie présente, notre communion avec Jésus Luc 22.16, la joie de ses rachetés. Jean 15.11

5.18 Car en vérité je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre aient passé, il ne passera pas de la loi un seul iota, ni un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout ait été accompli.
  Grec : que tout soit arrivé, soit réalisé, ait été fait, dans le sens du verset précédent. Ces paroles confirment la vérité profonde du verset 17 (car), et cela par cette affirmation solennelle : en vérité (hébr. amen, vérité), mot conservé tel quel dans la traduction grecque que les évangiles nous donnent des discours de Jésus. C'est ce qui a engagé les auteurs de la version de Lausanne à le conserver aussi dans sa forme hébraïque.

- Ces mots : jusqu'à ce que le ciel et la terre aient passé, sont pris par les uns comme une expression proverbiale signifiant jamais ; par les autres dans ce sens que, même alors, rien de la loi ne passera, mais que tout sera réalisé dans la perfection. Ce dernier sens est le vrai. (Comparer Matthieu 24.35 ; Luc 16.17)

- Un iota est le nom grec de la lettre i qui, dans l'alphabet hébreu, est la plus petite de toutes.

- Un trait de lettre désigne certains jambages ou crochets qui distinguent les unes des autres les lettres hébraïques. Ces images signifient qu'aucune partie de la loi ne passera sans avoir été accomplie. Mais l'accomplissement même rend inutile la forme précédente, le fruit remplace la fleur, la grâce et l'amour se substituent à la loi dans la vie du chrétien, la réalité succède aux ombres et aux figures de la loi cérémonielle, et un jour la perfection suivra tout ce que nous possédons aujourd'hui. 1Corinthiens 13.9-12

5.19 Celui donc qui aura violé l'un de ces plus petits commandements, et qui aura ainsi enseigné les hommes, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les aura observés et enseignés, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.
  Un de ces plus petits commandements, c'est ce que Jésus vient de désigner comme un iota ou un trait de lettre. Le violer ou l'abolir ainsi de fait (même mot qu'au verset17) et enseigner les autres à le faire, c'est s'exposer à n'occuper qu'un degré très inférieur dans le royaume des cieux.

- L'expression dont Jésus se sert : il sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ne signifie pas qu'il sera exclu de la félicité éternelle (Augustin, Luther, Calvin), ce sens est contraire aux termes ; elle ne signifie pas qu'il n'aura qu'une petite part du bonheur à venir (Meyer), car l'Evangile n'enseigne pas qu'il y aura des degrés divers dans ce bonheur. Elle signifie qu'il n'aura qu'une part moindre et un rôle inférieur dans l'établissement du règne de Dieu sur la terre. (B. Weiss.)

Celui qui croit pouvoir travailler à l'œuvre de ce règne plus efficacement en s'affranchissant de l'obéissance aux commandements qui lui paraissent secondaires, en les abolissant dans sa conduite et ses préceptes, se trompe. C'est la fidélité dans les petites choses, l'accomplissement scrupuleux de l'humble devoir, qui rendent apte au royaume de Dieu. Il faut d'ailleurs envisager ces commandements dans leur esprit et dans leur ensemble, qui forme un tout inviolable, la volonté de Dieu. Comparer Jacques 2.10

5.20 Car je vous dis que si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux.
  Grec : si votre justice ne surabonde de beaucoup ...(voir sur les scribes, Matthieu 2.4, note ; Matthieu 23.2, note, et sur les pharisiens. Matthieu 3.7, note.)

Ces paroles montrent ce que Jésus entend, dans les versets précédents, par l'accomplissement de la loi, et introduisent le discours qui va suivre, sur la manière d'interpréter la loi. Ses disciples doivent réaliser une justice bien supérieure à la justice extérieure, superficielle et formaliste des pharisiens dont il va faire ressortir toute l'insuffisance. Il ne dit pas, dans le sermon sur la montagne, par quel moyen ses disciples pourront obtenir cette justice supérieure. Il ne faudrait pas conclure de cette parole isolée que l'homme puisse jamais, par sa propre justice, entrer dans le royaume des cieux.

5.21 Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; et celui qui aura tué sera punissable par le jugement.
  Tel est le premier exemple par lequel Jésus va faire comprendre à ses disciples quelle est dans son étendue et sa profondeur la vraie justice, telle que l'établit la loi saisie non dans sa lettre mais dans son esprit. (verset 20) Les Juifs entendaient la lecture de la loi à chaque sabbat.

- Les anciens sont toutes les générations précédentes auxquelles Moïse et les docteurs qui lui succédèrent (Matthieu 23.2) enseignèrent la loi. Le commandement cité est de Moïse Exode 20.13, et les paroles qui y sont ajoutées : celui qui tuera... est une détermination des interprètes, fondée d'ailleurs sur la législation mosaïque. Le jugement devant lequel le meurtrier était punissable ou justiciable (grec lié, coupable), était une cour de justice secondaire, établie dans chaque district. Deutéronome 16.18 ; 2Chroniques 19.5 A cela se bornait, dans l'interprétation pharisaïque, toute la signification de ce commandement, quiconque ne l'avait pas violé à la lettre, pouvait se croire innocent ; mais...(verset 22)

Quelques interprètes traduisent : "Il a été dit par les anciens," au lieu de "aux anciens." Sens grammaticalement possible, mais contraire à l'usage de cette expression dans le Nouveau Testament. De même dans la suite de ce discours.

5.22 Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère, sera punissable par le jugement ; et celui qui aura dit à son frère : Raca ! sera punissable par le sanhédrin, et celui qui lui dira fou, sera punissable par la géhenne du feu.
  Quelle autorité dans ce contraste : Mais moi je vous dis !

Ce commandement, ainsi que tous les autres, peut être violé dans le cœur par les passions : la colère, la haine, le mépris ; et cette violation mérite, devant la justice divine, le même châtiment que le meurtre proprement dit.

Le Sauveur établit une gradation dans la transgression, et aussi dans la peine qu'elle fait encourir. D'abord la colère contre un frère qu'il faudrait aimer (il faut retrancher ce mot sans cause qu'ajoute le texte reçu avec D, plusieurs majuscules, les vers syriaques et des Pères) ; puis l'expression de cette colère par des paroles de haine ou de mépris. Raca terme injurieux qui signifie en hébreu araméen tête vide, homme de rien, canaille. Fou, dans un sens moral, signifie impie, athée. Psaumes 14.1 C'est une sorte de malédiction inspirée par la haine. Comparer 1Jean 3.15

- Quant à la peine également graduée qui correspond à ces violations de la loi, Jésus l'indique par des images tirées de la justice pénale de son temps et de son peuple. En effet, il ne veut pas dire que celui qui manifeste ces mauvais sentiments du cœur doive être puni par les divers tribunaux qu'il va nommer, mais qu'il est aussi coupable que ceux qu'on y amène.

Le jugement désigne le tribunal inférieur mentionné au verset 21.

Le sanhédrin, autorité suprême de la nation, était composé de 71 membres, anciens, scribes et sacrificateurs, sous la présidence du souverain sacrificateur. Matthieu 21.23 ; Luc 22.66 ; Actes 5.21 Il connaissait de toutes causes religieuses, civiles ou criminelles ; en ces dernières, dont il est ici question, il servait de cour d'appel.

Le nom de géhenne du feu provenait de la vallée de Hinnom (hébr. Gué-Hinnom), qui entourait Jérusalem du côté du sud et dans laquelle s'était célébré autrefois le culte de Moloch. Depuis le temps de Josias 2Rois 23.10 on y jetait, afin de la profaner, les corps des animaux morts et des suppliciés, et l'on y entretenait un feu pour les consumer. Ce lieu était ainsi devenu une image de l'enfer, et c'est dans ce sens que le Nouveau Testament emploie ce terme. Comparer Jérémie 7.31,32 ; 19.2 ; Marc 9.43-48

5.24 laisse là ton offrande devant l'autel, et va premièrement, réconcilie-toi avec ton frère, et alors, viens présenter ton offrande.
  La particule donc montre que ces paroles sont une conclusion de ce qui précède et que l'ordre ici donné appartient à l'observation du commandement. (vers. 21.) Jésus suppose le cas d'un homme qui, déjà occupé dans le temple à préparer une offrande, un sacrifice (grec un don), là, sous l'impression de la sainteté de son acte, se souvient que son frère, un homme quelconque, a quelque chose, quelque ressentiment contre lui.

Est-ce parce qu'il a offensé ce frère ? On peut le supposer, on l'admet généralement, mais Jésus ne le dit pas, on peut donc supposer aussi qu'il lui impose le devoir de la réconciliation, même dans le cas où il n'aurait en rien contribué à la rupture avec son frère.

Quoi qu'il en soit, le Sauveur n'admet pas que cet homme puisse entrer en communion avec Dieu par son offrande, par la prière, tant qu'il n'est pas réconcilié avec son frère, et toute conscience chrétienne confirme ce jugement.

5.25 Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur que l'adversaire ne te livre au juge et le juge à l'huissier, et que tu ne sois jeté en prison.
  Ce verset 25 est la suite immédiate du verset 24. Jésus recommande encore le devoir de la réconciliation, mais sous une autre forme. Il suppose deux adversaires un créancier et un débiteur, (verset 26) dont le premier emmène l'autre chez le juge pour se faire payer, comme cela se pratiquait chez les anciens.

Le conseil que donne le Seigneur à celui qui va être accusé est de se mettre promptement d'accord avec son adversaire tandis qu'il est en chemin, c'est-à-dire qu'il en a le temps encore. S'il ne le fait pas, il court le risque d'être livré au juge, puis à l'huissier (exécuteur du jugement), et d'être jeté en prison.

Est-ce là tout le sens de cette exhortation ? Dans ce cas, elle ne renfermerait qu'un bon conseil de prudence, de sagesse dans les affaires de cette vie, et c'est ainsi que l'entendent quelques interprètes. Mais comme ici Jésus exhorte ses disciples à la réconciliation avec leurs frères et cela à cause de leur responsabilité envers Dieu, (versets 23,24) il est évident que notre verset 25 devient une image, une parabole, présentant un sens religieux plus élevé.

Tous les hommes sont en chemin vers le juge, qui est Dieu ; tous ont envers leurs frères des torts dont il leur sera demandé compte, qui suffiraient pour les faire condamner ; et s'il est impossible même d'apporter à Dieu une offrande sans être réconcilié avec un frère offensé, comment espérer être absous devant le tribunal céleste ? Il ne resterait en perspective que la prison, c'est-à-dire, non le purgatoire, selon les interprètes catholiques, non le hadès ou lieu invisible d'attente, selon d'autres, mais le châtiment, comme cela ressort clairement de l'image.

- On voit combien cette sérieuse parabole rentre harmoniquement et profondément dans le discours de Jésus, et que c'est à tort que quelques interprètes pensent que Matthieu l'a arbitrairement intercalée ici, parce que Luc lui assigne une autre place dans son évangile. Luc 12.58,59 Pourquoi ne pas admettre plutôt que ce court enseignement parabolique peut avoir été présenté plus d'une fois ?

5.26 Je te le dis en vérité, tu ne sortiras pas de là, jusqu'à ce que tu aies payé le dernier quadrant.
  Quadrant, mot latin qui signifie le quart d'un as ou sou romain c'est-à-dire un peu plus d'un centime.

- Dans le sens littéral de la parabole, il eût peut être été possible au débiteur de payer toute sa dette. Dans le sens spirituel, après le jugement de Dieu, il ne le pourra jamais. (Comparer Matthieu 18.34)

5.27 Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras point adultère.
  Exode 20.14 Second exemple de la vraie interprétation de la loi. (verset 21)

Les paroles qui suivent montrent qu'ici encore la morale pharisaïque ne voyait la violation du commandement que dans l'acte matériel de l'adultère. On sait aussi que les docteurs juifs jugeaient très diversement des mauvaises pensées et des mauvais sentiments du cœur qui ne se traduisent pas en actions.

5.28 Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur.
  En quoi consiste l'adultère commis dans le cœur ? Non dans le regard seul, mais dans l'acquiescement de la volonté à la convoitise. C'est ce qui est marqué par ces mots : pour la convoiter.

Tout homme qui regarde une femme dans de telles dispositions pèche déjà. Tout péché d'intention, dont les circonstances empêchent la consommation, est commis aux yeux de Dieu, qui "regarde au cœur."

5.29 Or si ton œil droit te fait tomber, arrache-le et le jette loin de toi, car il vaut mieux pour toi qu'un de tes membres périsse et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne.
  Grec : te scandalise, c'est-à-dire est pour toi une occasion de chute.

Le mot grec, scandale, dans son sens littéral, signifie un obstacle matériel mis devant les pas de quelqu'un pour le faire tomber. Le sens spirituel ou moral est dès lors évident. (Voir Matthieu 16.23,18.8, etc.) Le précepte que Jésus ajoute (versets 29,30) au sixième commandement est semblable, comme le remarque Weiss, à celui dont il fait suivre le cinquième commandement. (versets 24-26) Là il s'agissait de sentiments d'amertume et des dispositions d'un cœur non réconcilié qui reviennent spontanément à la mémoire, ici il s'agit de la convoitise impure, qui, à l'état latent dans le cœur, est excitée sans qu'il y ait concours de la volonté. Jésus indique quelles mesures radicales il faut prendre dans ce cas.

5.30 Et si ta main droite te fait tomber, coupe-la, et la jette loin de toi, car il vaut mieux pour toi qu'un de tes membres périsse et que tout ton corps n'aille pas dans la géhenne.
  Bien que cette énergique image soit susceptible d'applications très diverses et que Jésus l'ait employée plus d'une fois Matthieu 18.8,Marc 9.47 on voit dès l'abord quel en est le rapport avec la pensée du verset 28.

On consent dans certaines maladies dangereuses à subir l'amputation d'un œil, d'une main, d'un membre, si nécessaire soit-il, pour sauver la vie de tout le corps. Ainsi le renoncement le plus absolu, le sacrifice le plus douloureux vaut mieux (grec t'est avantageux) que si tout ton être était jeté dans la géhenne. (Voir sur ce dernier mot verset 22, note, et sur toute sa pensée Matthieu 16.24-26,19.29)

5.32 Mais moi, je vous dis que quiconque répudie sa femme, si ce n'est pour cause de fornication, la fait devenir adultère ; et que quiconque épouse une femme répudiée, commet adultère.
  Troisième exemple.

Cet enseignement du Sauveur sur la sainteté du mariage se retrouve aussi ailleurs, provoqué par une question qui lui fut adressée ; (Matthieu 19.3 et suivants) mais il peut fort bien avoir été donné déjà ici, à l'occasion de l'instruction qui précède sur l'adultère.

La prescription mosaïque que cite Jésus (verset 31) se trouve dans Deutéronome 24.1. Elle permettait le divorce ; la lettre ou (grec) l'acte de répudiation que donnait, dans ce cas le mari à sa femme, constatait officiellement la séparation. Les Juifs, au temps de Jésus, abusaient de cette autorisation, dont les termes étaient un peu vagues.

L'école plus stricte de Schammaï n'admettait que l'adultère comme cause de divorce ; mais d'autres : rabbins interprétaient le texte mosaïque : "Si elle n'a pas trouvé grâce à tes yeux," en disant : "Si quelqu'un voit une femme plus belle que la sienne, qu'il répudie la sienne." (E. Stapfer, La Palestine,...p. 150 et suivants)

Jésus, qui juge le commandement de Moïse lui-même, (Matthieu 19.8) réagit fortement contre la pratique religieuse de ses contemporains. (Matthieu 19.9) Il n'admet qu'un cas qui légitime le divorce : la fornication, c'est-à-dire, pour la femme mariée, l'adultère, qui brise et détruit de fait le lien conjugal.

Et encore d'excellents interprètes (B. Weiss) estiment que Jésus ne donne pas ici l'adultère comme motif de divorce, mais qu'il veut seulement dire : celui qui répudie sa femme l'expose à devenir adultère, à moins que par la fornication, elle ne se soit déjà rendue telle.

- Si nous admettons la première explication, qui paraît plus naturelle, Jésus pose ces deux principes : celui qui répudie sa femme pour les motifs futiles alors considères comme suffisants, la fait devenir adultère, par la liberté qu'il lui donne de se remarier, tandis qu'en droit elle est la femme d'un autre ; et celui qui épouse une femme ainsi séparée commet le même péché, par la même raison. Mais une question se pose : si la séparation a eu lieu pour cause d'adultère, et qu'ainsi le divorce soit légal, un second mariage le sera-t-il aussi ?

Les uns, d'après ce texte, répondent oui : et telle est l'opinion qui a prévalu dans l'Eglise et dans les législations des pays protestants, qui ont même statué d'autres causes légitimes de divorce, les autres, se fondant sur les passages parallèles Luc 16.18 ; Marc 10.11 où ne se trouve pas la cause exceptionnelle admise ici (si ce n'est pour cause de fornication), répondent non, et considèrent le mariage après divorce comme interdit d'une manière absolue.

Telle est l'opinion et la pratique de l'Eglise et des législations catholiques, qui n'autorisent en aucun cas le divorce, mais seulement la séparation. La question est complexe ; Jésus n'a point entendu l'épuiser ici, puisqu'il ne parle que de la femme, qui pourtant a les mêmes droits, et nullement du mari, qui peut avoir les mêmes torts. (Voir toutefois Marc 10.12, note.) L'apôtre Paul présente de la même manière les deux faces de ce sujet : la pratique la plus sévère 1Corinthiens 7.10,11 et le point de vue plus adouci. (verset 15) Mais là il ne parle que de la séparation, et non d'un second mariage. (Voir Matthieu 19.9, note.)

5.33 Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point, mais tu tiendras tes serments au Seigneur.
  Quatrième exemple.

Cette citation ne se trouve nulle part littéralement dans l'Ancien Testament, mais la pensée revient dans plus d'un passage. Ainsi la défense du parjure ou faux serment est contenue dans Lévitique 19.12, et le devoir de tenir au Seigneur ses serments, ou ses vœux, ou ses promesses, se trouve prescrit dans Deutéronome 23.21. Sur ce point régnaient aussi parmi les Juifs de pernicieux abus, qui ne se sont que trop perpétués chez les chrétiens.

5.37 Mais que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu'on dit de plus vient du malin.
  Qu'est-ce que le Sauveur enseigne à ses disciples au sujet du serment ? Ses paroles sont si claires et si précises, que l'exégèse ne saurait hésiter un instant.

Aux prescriptions et aux usages de la loi ancienne, il oppose avec une autorité souveraine (mais moi je vous dis) le commandement de ne jurer point du tout (grec totalement, entièrement, ce qui rend la négation absolue). Et comme, par un certain respect pour le saint nom de Dieu, l'usage s'était introduit chez les Juifs de jurer par d'autres objets vénérables, par le ciel, par la terre, par Jérusalem, etc., avec la pensée que ces sortes de serments liaient moins la conscience, Jésus poursuit ce préjugé en montrant que ces formules remontent pourtant jusqu'à Dieu, qui remplit de sa sainte présence les cieux et la terre, tout l'univers. (Comparer Matthieu 23.16 et suivants)

Ainsi, le ciel, c'est le trône de Dieu qui y règne Esaïe 66.1 la terre c'est le marchepied de ses pieds ; voir encore Esaïe 66.2, où Dieu dit par la bouche du prophète : "Ma main a fait toutes ces choses," comparez Matthieu 23.22 ;

Jérusalem, c'est la ville du grand Roi, la sainte cité de Jéhovah Matthieu 4.8,Psaumes 48.2,3 ta tête, bien loin de pouvoir en disposer, tu ne peux en rendre un seul cheveu blanc ou noir ; ton impuissance rend ton serment téméraire !

Conclusion : Ne jurez par aucun de ces objets, votre serment n en serait pas moins grave : en jurant par la créature vous jurez par le Créateur. Que faire donc ? Affirmer la vérité par un oui ou un non, prononcé sous le regard de Dieu, en présence duquel vous agissez et parlez toujours. Tout ce que vous ajouteriez vient du malin, du père du mensonge, qui règne dans le monde, ce qui fait que le monde se défie de la parole des hommes. D'autres traduisent vient du mal, (comparez Matthieu 6.13) du péché qui règne dans le monde et fait prédominer la fausseté dans les relations humaines.

- Telle est la pensée du Sauveur, pensée seule digne de son règne et de ceux qui y appartiennent, pensée aussi clairement répétée plus tard par un de ses apôtres Jacques 5.12 et pleinement admise par les Pères de l'Eglise, Justin, Irénee, Clément, Origène, Chrysostome, Jérôme et d'autres.

- Toutes les tentatives qu'on a faites pour tirer de notre passage un sens diffèrent, sont des tours de force exégétiques ; tous les meilleurs interprètes, même ceux qui admettent la légitimité du serment, en conviennent. Aussi cherchent-ils ailleurs des arguments. On dit que le serment était prescrit dans l'Ancien Testament Exode 22.11 ; Deutéronome 6.13 qu'il est un honneur rendu à Dieu Jérémie 4.2 ; Hébreux 6.16, que l'apôtre Paul emploie des affirmations qui équivalent au serment : Romains 1.9 ; 2Corinthiens 1.23 ; Galates 1.20,Philippiens 1.8 que Jésus a fait un serment Matthieu 26.63, enfin que Dieu lui-même jure. Genèse 22.16 ; 26.3 ; Esaïe 45.23 et ailleurs.

Si ces arguments sont fondés, il faut reconnaître qu'ils sont en contradiction directe avec le précepte de Jésus-Christ qui nous occupe, à moins qu'on n'admette, avec beaucoup d'interprètes modernes, que ce précepte, de même que d'autres du sermon sur la montagne, (versets 32,39,40,41) n'est pas applicable aux relations sociales, ni destiné à régler l'organisation de la société, mais seulement les rapports des chrétiens entre eux dans cette communauté idéale, où règne la perfection, et qui s'appelle le royaume des cieux. Mais l'intention de Jésus était-elle bien de proclamer une loi toute spirituelle et abstraite ? Ses auditeurs galiléens pouvaient-ils comprendre ainsi ses préceptes ? Et aujourd'hui encore, en présence des mensonges, des parjures, des violences faites aux consciences, de l'abus criant des serments politiques, le tout sous l'invocation du saint nom de Dieu, n'y a-t-il pas plus de sûreté pour la conscience dans l'obéissance à la parole si claire et si nette du Sauveur

5.38 Vous avez entendu qu'il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent.
  Cinquième exemple.

Dans la législation mosaïque, ces paroles prescrivaient au juge d'infliger au coupable une peine correspondant exactement et matériellement au délit commis. Exode 21.24 et suivants, Lévitique 24.20 ; Deutéronome 19.21

C'est la loi du talion, admise aussi dans les XII tables du droit romain, c'est la rigoureuse justice. Mais moi je vous dis...

5.39 Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant ; mais quiconque te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre.
  Le mot grec peut être pris ici pour un adjectif neutre, alors il signifie au mal qu'on veut vous faire ; ou bien pour un substantif masculin et alors il faut traduire au méchant, à l'homme mauvais qui veut entamer un procès injuste contre vous. C'est ce dernier sens qui est le plus probable.

Résister aux méchant, c'est rendre le mal pour le mal : la loi du talion et celle du cœur de l'homme est, en recevant un soufflet ou une injure quelconque, de le rendre à l'instant. Jésus veut, et ses apôtres après lui, Romains 12.17,19 ; 1Pierre 3.9, qu'au lieu d'exercer ainsi la vengeance, le chrétien souffre plutôt une nouvelle injure, et c'est là ce qu'il faut entendre par présenter l'autre joue. (Comparer Jean 18.22) Faire de ce précepte un principe de morale sociale, ce serait encourager le méchant, en lui donnant occasion de faire plus de mal.

5.40 Et à celui qui veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui aussi le manteau.
  Plaider contre toi (gr. être jugé aller en justice), entamer un procès dont l'objet serait de t'enlever ta tunique (vêtement de dessous chez les Orientaux) ; au lieu de soutenir ce procès qui provoquerait la haine et d'autres querelles, souffre plutôt une seconde perte plus grande, celle du manteau. Telle est aussi la morale de saint Paul. 1Corinthiens 6.1-7
5.41 Et quiconque te contraindra de faire un mille, fais-en deux avec lui.
  L'expression est empruntée à un usage oriental introduit par les Perses, d'après lequel les employés de l'état et en particulier les courriers postaux, étaient autorisés à requérir des hommes pour porter un message, un fardeau, etc.
5.42 Donne à celui qui te demande, et ne te détourne point de celui qui veut emprunter de toi.
  Donner, prêter, exigent le discernement de la vérité, non moins que le désintéressement de la charité. Mais les disciples de Jésus pèchent plus souvent à cet égard par trop de retenue que par trop d'abandon.
5.43 Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi.
  Sixième exemple.

La première partie de ce précepte était seule dans la loi Lévitique 19.18 la seconde était une glose du pharisaïsme, qui entendait par le prochain les Juifs, à l'exclusion des hommes de nationalités différentes. Ceux-ci étaient des ennemis qu'on pouvait haïr, et l'on n'hésitait pas à appliquer ce principe à des ennemis personnels. La loi prescrivait tout le contraire Exode 23.4-6 et la conduite des Israélites pieux donnait un exemple tout opposé. Psaumes 7.5 ; 35.13,14 ; Job 31.29 ; Proverbes 24.17,18 ; 25.21

Toutefois il faut bien reconnaître que l'amour du prochain, dans sa plénitude, n'a été enseigné que par le Sauveur, et qu'il est une création de l'Evangile dans le cœur du chrétien.

5.44 Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent ;
  Le texte reçu, avec D., la plupart des majuscules ajoute : bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous outragent et vous persécutent. La presque unanimité des critiques, des exégètes et des traducteurs retranchent ces mots sur l'autorité de Sin., B., de versions et de Pères, les regardant comme empruntés à Luc 6.27.

Quoi qu'il en soit, Jésus a prononcé ces paroles, qui présentent une progression remarquable, à la fois dans le mal à souffrir et dans le bien à faire. D'une part des ennemis qui maudissent, haïssent, persécutent, d'autre part des chrétiens qui aiment, bénissent, font du bien, prient. De part et d'autre on passe des sentiments aux actes.

"Voici donc trois degrés de charité envers des ennemis : les aimer, leur faire du bien, prier pour eux. Le dernier est celui qu'on croit pouvoir faire le plus aisément, mais c'est pourtant le plus difficile, parce que c'est celui qu'on fait par rapport à Dieu. Rien ne doit être plus sincère, ni plus cordial, ni plus véritable, que ce qu'on présente à Celui qui voit tout jusqu'au fond du cœur." Bossuet.

5.45 afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.
  Motif suprême de la morale chrétienne, être en réalité fils de Dieu, (verset 9) animés de son Esprit, lui ressembler comme un fils ressemble à son père, l'imiter dans nos sentiments et notre vie. Ephésiens 5.1

- Votre Père ; jamais Jésus ne dit notre Père, en se comprenant dans ce mot avec ses disciples ; mais toujours mon Père ou votre Père. Distinction très significative. Comp, Jean 20.17 Qui est dans les cieux. (Matthieu 6.9, note.)

Son soleil : "Magnifique appellation ! lui-même a fait le soleil et le gouverne, et le possède en sa seule puissance." Bengel.

Les bienfaits de Dieu dans la création, même envers ses ennemis, sont offerts à notre imitation. Ces arguments tirés de la nature, qui dévaste aussi et détruit parfois ne suffiraient pas pour nous faire connaître et aimer Dieu comme notre Père, mais ils parlent au sentiment religieux, et Jésus leur prête ici son autorité. Comparer Actes 14.17

5.46 Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? les péagers aussi ne le font-ils pas ?
  Après : avoir motivé l'amour des ennemis (verset 44) par l'obligation d'être fils du Père, (verset 45) Jésus présente un second motif (car) en faveur du même précepte : Aimer ceux qui nous aiment est naturel au cœur de l'homme et ne saurait prétendre à une récompense. (Matthieu 5.12 ; Matthieu 6.1, notes.)

Les péagers mêmes le font. Les Juifs haïssaient et méprisaient ces hommes qui s'étaient mis au service de la domination romaine pour prélever des impôts détestés, et qui le faisaient souvent avec dureté et injustice. Aussi dans l'Evangile sont-ils nommés avec les pécheurs les plus décriés. Matthieu 21.31,32 ; Luc 15.1

5.47 Et si vous ne faites accueil qu'à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens aussi ne le font-ils pas ?
  Faire accueil (grec saluer) signifie témoigner de la bienveillance, de l'affection. Le faire en faveur de frères ou d'amis (ainsi porte une variante), il n'y a rien là d'extraordinaire (grec d'excellent, de distingué), rien qui dépasse la mesure de la nature humaine.

Les païens (le texte reçu répète ici le mot péagers) le font aussi.

5.48 Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.
  Gr. Vous serez parfaits. Futur mis pour l'impératif ; ou bien : Vous le serez, Je l'attends de vous et, par la voie que je vous ouvre, vous y parviendrez. Parfaits pourrait se rapporter à tout ce qui précède dans ce chapitre, et indiquerait une perfection morale ressemblant à tous égards à celle de Dieu, autant que la créature peut égaler Celui qui est infini. Mais il est plus probable que Jésus applique cette grande parole à ce qu'il vient de dire de l'amour depuis le verset44. (Voir verset 45) C'est ce que confirme le passage parallèle dans Luc 6.36, qui porte : "soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux." Ce sens se comprend mieux aussi ; car il est certain que l'amour, surtout l'amour divin répandu dans le cœur, ne connaît et ne veut pas de bornes, il tend à une perfection toujours plus idéale et toujours plus complète. Le but ainsi placé par le Sauveur devant les yeux de ses disciples est encore assez sublime pour effrayer leur faiblesse.

Il leur est bon de se rappeler la prière d'Augustin : "Donne ce que tu ordonnes, Seigneur, et ordonne ce que tu veux !"