Matthieu   5.1  à  5.16

1. Or, voyant les foules, il monta sur la montagne ; et s'étant assis, ses disciples s'approchèrent de lui ; 2. et ouvrant sa bouche, il les enseignait en disant : 3. Heureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. 4. Heureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. 5. Heureux ceux qui sont doux, parce qu'ils hériteront la terre. 6. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés. 7. Heureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde. 8. Heureux ceux qui sont purs de cœur, parce qu'ils verront Dieu. 9. Heureux ceux qui procurent la paix, parce qu'ils seront appelés fils de Dieu. 10. Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. 11. Heureux êtes-vous, lorsqu'on vous dira des injures, et qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. 12. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.

13. Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi sera-t-il salé ? Il n'est plus bon à rien sinon à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes. 14. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. 15. On n'allume pas non plus une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le pied-de-lampe, et elle luit pour tous ceux qui sont dans la maison. 16. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.

PLAN
  1. _
    Jésus étant monté sur un plateau élevé de la montagne, s'assied, les foules étant rangées autour de lui, et commence solennellement l'enseignement qui va suivre. (1, 2.)
  2. _
    Dans huit béatitudes, il proclame le bonheur et indique les qualités de ceux qui ont part au royaume des deux. Ce sont d'abord ceux qui aspirent aux biens spirituels de ce royaume : les pauvres en esprit, que leur humilité met en possession du royaume ; ceux qui pleurent et qui trouveront la consolation ; ceux qui sont doux et qui par leur douceur gagneront la terre ; ceux qui ont faim et soif de la justice et qui verront leur ardent désir satisfait. Ce sont ensuite ceux qui possèdent les dispositions et sont dans la condition des membres du royaume : les miséricordieux, qui obtiendront miséricorde ; ceux qui ont le cœur pur et qui verront Dieu ; ceux qui procurent la paix et seront appelés fils de Dieu ; ceux qui sont persécutés pour la justice et dont la récompense sera grande. (3-12.)
  3. _
    La vocation des enfants du royaume est d'être le sel de la terre, qui ne doit jamais perdre sa saveur, la lumière du monde, qui ne doit jamais être cachée. Que cette lumière luise donc à la gloire de Dieu ! (13-16.)
NOTES
5.1 Or, voyant les foules, il monta sur la montagne ; et s'étant assis, ses disciples s'approchèrent de lui ;
  Chapitre 5.

1 à 16 Préambule du Discours sur la Montagne. Les Béatitudes.

Comparer Luc 6.20 et suivants Les foules sont celles que Matthieu a décrites Matthieu 4.25, et qui, attirées par les guérisons que Jésus opérait et par la puissance de sa parole, l'avaient suivi de toutes les contrées d'alentour, même de Jérusalem et de la Judée. Les guérisons et les actes miraculeux, dont elles avaient été témoins les avaient préparées à recevoir les paroles étonnantes qu'elles vont ouïr. Comment auraient-elles pu croire heureux ceux que l'expérience et le bon sens proclament malheureux, si elles n'avaient contemplé les merveilleuses délivrances que Jésus tenait en réserve pour eux ? (Comparer Luc 4.17 et suivants)

- La montagne, malgré l'article, ne désigne aucune sommité particulière, mais en général la hauteur, par opposition à la plaine. C'est ainsi que les habitants des vallées disent : aller à la montagne, sans indiquer par la un point spécial de la chaîne dont il s'agit. La tradition a été plus précise que les évangélistes ; elle place la montagne des Béatitudes non loin de la ville de Tibériade, située sur le bord du lac de ce nom. Derrière la montagne qui domine Tibériade est un large plateau, montant en pente douce du coté d'un rocher qui en forme le sommet. C'est sur ce rocher que Jésus aurait passe la nuit en prières et qu'au point du jour il aurait appelé ses disciples et choisi ses apôtres. (Luc 6.12 et suivants)

Puis il serait descendu près de la foule qui l'attendait sur le plateau, et c'est de la qu'il aurait enseigné le peuple. L'apparente contradiction qui existe entre le récit de Luc et celui de Matthieu se trouverait ainsi résolue.

Selon le premier, Jésus descendit, et c'est dans une plaine qu'il aurait prononce son discours. (Luc 6.17 note.)

Selon Matthieu, il serait monté sur une montagne avec le peuple. Ceci s'explique, puisque Matthieu ne dit rien ici de la prière de Jésus et de l'élection des apôtres il ne rapporte que le fait général, la prédication aux troupes assemblées sur une montagne.

Luc, qui rapporte un détail de plus, nous montre le Seigneur montant d'abord au sommet, puis redescendant dans la plaine, c'est-à-dire sur le plateau. (il dit même : dans un lieu en plaine, ce qui semble indiquer par une nuance qu'il ne s'agit pas d'une plaine proprement dite.)

Au pied du rocher, au haut du plateau, se trouve précisément une petite plate-forme, une sorte de chaire naturelle, d'ou l'on peut aisément être vu et entendu d'une grande multitude. C'est la qu'aurait été assis le Seigneur...Je me demandai s'il était possible qu'il y eut au bord de ce lac, et même dans toute la Palestine, une autre montagne a laquelle s'appliquassent aussi complètement les détails que nous pouvons recueillir a ce sujet dans saint Luc et saint Matthieu. (F. Bovet, voyage en Terre Sainte, 7e ed., p. 380 et suivants)

Ses disciples, ceux d'entre eux qu'il venait d'appeler à l'apostolat et ceux qui déjà avaient entendu et goûté sa parole, l'entouraient comme toujours ; mais cela ne signifie point, comme on l'a prétendu, que son discours ne s'adressât qu'à eux, à l'exclusion de la multitude. (Comparer Matthieu 7.28)

Sans doute, ce discours, qui expose les principes spirituels et sublimes du royaume que Jésus venait fonder, ne pouvait être compris de tous, comme il ne peut être mis en pratique que par ceux qui sont animés de l'esprit de ce royaume ; mais le Sauveur parlait et enseignait en vue de l'avenir.

Sa parole est une révélation, et quand son œuvre sera achevée, cette parole deviendra lumière et vie dans le cœur de ses rachetés.

5.2 et ouvrant sa bouche, il les enseignait en disant :
  Ouvrant sa bouche, hébraïsme qui indique la solennité de l'action, la sainte liberté de la parole. Comparer Matthieu 13.35 ; 2Corinthiens 6.11 ; Ephésiens 6.19

Là, l'évangéliste fait avec éclat une préface pour montrer comment Jésus s'apprête à la prédication : il monte sur une montagne il s'assied, il ouvre la bouche ; c'est pour faire sentir le sérieux de son action. Luther.

On n'est donc pas fondé à voir dans les pages qui suivent non un discours de Jésus, mais une compilation de l'évangéliste, qui en aurait emprunté les éléments à diverses paroles du Seigneur, prononcées en d'autres occasions. Sans doute, la forme assez différente sous laquelle Luc a rapporté ce même discours, soit pour le choix, soit pour l'ordre des matériaux, montre assez que les évangélistes ont usé d'une sainte liberté selon le plan qu'ils s'étaient tracé et sous la direction de l'Esprit de vérité qui les animait.

Sans doute encore, il est un bon nombre des pensées de ce discours qui se retrouvent ailleurs dans les enseignements du Sauveur et avec des applications différentes. Mais ce sont tantôt des expressions proverbiales, des images, que Jésus pouvait certainement employer plus d'une fois (ainsi verset 13 ; comparez Marc 9.50 ; 7.13 ; comparez Luc 13.24 ; 6.22 ; comparez Luc 11.34 ; 6.24, comparez Luc 16.13) tantôt de courts préceptes moraux, qui devaient naturellement reparaître aussi dans ses enseignements. Ainsi verset 25 ; comparez Luc 12.58 ; 5.32 ; comparez Luc 16.18 ;6.19 ; Luc 12.33 Quant à là belle exhortation touchant les inquiétudes, (Matthieu 6.25-34) que Luc a rapportée ailleurs, (Luc 12.22-31) il serait difficile de dire dans lequel des deux récits elle se trouve le mieux à sa place.

Quoi qu'il en soit, la manière dont l'évangéliste introduit cette prédication et dont il en décrit l'effet, (Matthieu 7.28) montre avec évidence qu'il rapporte un discours solennel et prolongé de son Maître. Et n'était-il pas dans la nature des choses que le Sauveur, tout en guérissant les malades, en consolant les affligés, saisit l'occasion d'exposer à ces foules qui le suivaient les grands et éternels principes moraux de son règne ? Il le fait, non dans les formes logiques de l'école, mais avec la liberté d'allure qui convient à une instruction improvisée, coulant de source, mais qui, dans son ensemble, ne manque pas d'une grandiose unité.

5.3 Heureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux.
  Heureux !

Ainsi commence le Sauveur. C'est là une entrée belle, douce, pleine d'amour, dans sa doctrine et sa prédication. Il ne procède pas, comme Moïse ou un docteur de la loi, par des ordres, des menaces, des terreurs, mais de la manière la plus affectueuse, la plus propre à attirer les cœurs, et par de gracieuses promesses. Luther.

Toutefois, cet amour recouvre un profond sérieux, car ceux que Jésus déclare heureux sont bien misérables aux yeux du monde. Ils ne sont heureux qu'à cause de la promesse qui accompagne chacune de ces déclarations et qui la motive.

Les pauvres en esprit sont ceux qui se sentent pauvres dans leur vie intérieure, moralement et spirituellement pauvres, et qui, par là même, soupirent après les vraies richesses de l'âme. (L'esprit désigne, non le Saint-Esprit, mais la faculté par laquelle nous entrons en relation avec Dieu et réalisons la vie morale. Comparer Matthieu 26.41) L'inverse est décrit dans Apocalypse 3.17 (Comparer 1Corinthiens 4.8 et suivants)

Ce sentiment de pauvreté devant Dieu n'est pas encore la repentance, mais une humilité profonde, douloureuse, qui y conduit. (Comparer Esaïe 57.15)

- On peut interpréter aussi cette parole en ce sens qu'elle désignerait, non la pauvreté morale, mais la pauvreté temporelle réalisée en pensée, sinon de fait.

Les pauvres en esprit sont tous ceux qui ont l'esprit détaché des biens de la terre, comme dit Bossuet, et il ajoute : O Seigneur ! je vous donne tout : j'abandonne tout pour avoir part a ce royaume ! Je me dépouille de cœur et en esprit, et quand il vous plaira de me dépouiller en effet, je m'y soumets. (Méditations sur l'Evangile.)

Ainsi comprise la première béatitude de Matthieu répond exactement a la première béatitude de Luc (Luc 6.20, note) et n a pas un sens presque identique a celui de la quatrième béatitude : "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice."

- Qu'il s'agisse de pauvreté spirituelle ou de pauvreté temporelle, d'humilité ou de détachement, ou de tous les deux a la fois, a une telle situation répond la promesse ou plutôt la déclaration positive et actuelle : parce qu'à eux est le royaume des cieux, (Telle est la construction grecque, comme dans tous les versets qui suivent.) Ce royaume (voir sur ce mot Matthieu 3.2, note) ou tout est lumière, justice, paix, amour, leur est assuré par la "race divine avec toutes ses richesses." Il ne leur est pas seulement promis pour l'avenir. Il leur appartient dès maintenant. Quel contraste avec leur pauvreté !

5.4 Heureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés.
  Ceux qui pleurent, ou qui sont dans le deuil, la tristesse. L'expression est très générale et ne s'applique pas exclusivement a ceux qui pleurent sur leurs péchés. Mais comme il y a en ces affligés le sentiment humiliant de leur pauvreté morale (vers. 3, comparez Jacques 4.9), leur tristesse est "selon Dieu" et non "du monde" et produit "une repentance à salut." 2Corinthiens 7.10

Aussi seront-ils consolés, parce que cette tristesse les amène a la source du pardon, de la paix, de la vie. Esaïe 61.2,3 ; 66.2

5.5 Heureux ceux qui sont doux, parce qu'ils hériteront la terre.
  Paroles empruntées au Psaumes 37.1 Cette douceur, cet abandon à la volont‚ de Dieu, en présence des violences, de l'injustice et de la haine, est produit en eux par le sentiment humble et attristé de ce qui leur manque. (V 3 et 4.) Elle implique le renoncement aux avantages et aux joies de ce monde ; mais, par une magnifique compensation, ceux qui la pratiquent hériteront la terre. La terre de la promesse, Canaan, est prise dans son sens spirituel, et signifie la patrie d'en haut, le royaume de Dieu, dont la possession est assurée à ceux qui sont doux. Tel est aussi le sens de cette image au Psaumes 37 et ailleurs. Hébreux 4.1 ; 11.13-16 Bien que cette promesse ne doive être réalisée dans sa plénitude qu'au dernier jour, elle s'accomplit dés ici-bas en ce sens que "toutes choses travaillent au bien de ceux qui aiment Dieu," (Romains 8.28) et que "toutes choses sont à eux.." (1Corinthiens 3.21)

"Le monde emploie la force pour posséder la terre, Jésus nous apprend qu'on la gagne par la douceur" Luther.

D'excellents critiques du texte (Lachmann, Tischendorf), se fondant sur D., la syr. de Cureton et quelques Pères, placent le verset 5 ; avant le verset 4, et obtiennent cet ordre qui leur paraît plus naturel : les pauvres, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de la justice. La progression est plus frappante. Toutefois, les témoignages invoqués ne suffisent pas pour justifier cette transposition, ou du moins la laissent douteuse.

5.6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés.
  Cette faim et cette soif des biens spirituels qui leur manquent, de la vraie justice intérieure dont ils se sentent privés, d'une vie conforme a la volonté de Dieu, naissent en eux des dispositions décrites dans les versets précédents. Cette belle et énergique image de la faim et de la soif, expression d'un besoin pressant, d'un ardent désir de vie, revient souvent dans l'Ecriture. Psaumes 42.3 ; Psaumes 63.2 ; Esaïe 41.17,Jean 7.37,Apocalypse 22.17

Toute âme qui l'éprouve devant Dieu sera rassasiée, rassasiée de justice, puisque c'est de justice qu'elle a faim et soif. Les révélations subséquentes de l'Evangile lui apprendront comment elle y parviendra. Romains 3.21-30 ; Philippiens 3.9 etc.

Voir déjà dans le sermon sur la montagne la doctrine de la justification par la foi, serait une anticipation que l'exégèse ne doit pas se permettre. (Comparer Matthieu 6.33) Seulement, il est vrai de dire avec Luther que toutes les promesses que fait ici le Sauveur supposent la foi pour se les approprier.

5.7 Heureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde.
  Les miséricordieux sont ceux qui ne pensent pas seulement a leur propre misère, mais qui compatissent a la misère de leurs frères. Il faut avoir senti sa propre misère, avoir souffert soi-même, pour pouvoir sympathiser avec la souffrance d'autrui. Il faut avoir été soi-même l'objet de l'amour infini de Dieu pour pouvoir aimer les autres et pratiquer à leur égard la charité.

Telle est la double pensée qui rattache cette béatitude aux précédentes. Elle est liée à elles aussi par cette considération que ceux que Jésus appelle au bonheur de ses disciples auront besoin encore d'obtenir miséricorde au jour du jugement suprême, car bien qu'assurés du royaume des cieux, bien que consolés et rassasiés de justice, il restera dans leur vie beaucoup de manquements et d'imperfections à couvrir. Il leur sera pardonné et fait miséricorde selon qu'ils auront fait miséricorde. Matthieu 6.14,15 ; 18.32-35,25.31 et suiv, Luc 6.35-38,14.12-14 ; Jacques 2.13

5.8 Heureux ceux qui sont purs de cœur, parce qu'ils verront Dieu.
  Le cœur est, selon l'Ecriture, l'organe de la vie morale. Etre pur de cœur, c'est, par opposition à des œuvres extérieures, être affranchi de toute souillure de toute fausseté, de toute injustice, de toute malice dans ce centre intime des pensées et des sentiments. Tel n'est point l'état moral de l'homme naturel. (Matthieu 15.19) Comment il parvient à cette pureté, c'est encore ici ce qui sera révélé plus tard, quand le Sauveur aura accompli son œuvre de rédemption. (Comparer 1Corinthiens 6.11) Chaque promesse répondant parfaitement à la disposition décrite dans chacune de ces béatitudes, ceux qui sont purs de cœur sont heureux, parce qu'ils verront Dieu. C'est-à-dire qu'ils vivront dès ici-bas dans sa communion, et le contempleront un jour immédiatement dans la beauté suprême de ses perfections, source intarissable de la félicité du ciel. 1Corinthiens 13.12,1Jean 3.2 ; Apocalypse 22.4 comparez 2Corinthiens 3.18

Des passages tels que : Exode 33.20,Jean 1.18,1Timothée 6.16 ne sont point en contradiction avec cette glorieuse promesse, parce que l'impossibilité de voir Dieu qui est esprit, tient à l'économie présente de la chair, et cessera dans la perfection et dans la gloire.

5.9 Heureux ceux qui procurent la paix, parce qu'ils seront appelés fils de Dieu.
  Grec : ceux qui font la paix. Ceux qui non seulement sont paisibles eux mêmes, mais qui, après avoir trouvé la paix, s'efforcent de la procurer à d'autres et de la rétablir parmi les hommes, là où elle est troublée.

- Ils sont heureux, parce qu'ils seront appelés de ce doux et glorieux titre : fils de Dieu. Ce titre exprime une réalité profonde ; car en tant que ces fils de Dieu procurent la paix, ils ont un trait de ressemblance avec leur Père qui est "le Dieu de paix" Romains 16.20 ; 2Corinthiens 13.11, ils agissent selon son Esprit.

Donc ils sont fils de Dieu, mais en outre ils seront appelés tels, leur titre sera reconnu et de Dieu et de tous.

5.10 Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, parce que le royaume des cieux est à eux.
  La justice signifie la même chose qu'au verset 6, seulement le mot est pris dans son sens objectif.

A cause de la justice n'est donc pas différent, au fond, de cet autre terme : à cause de moi. (verset 11) Christ est le représentant, le possesseur, le dispensateur de la justice.

Ceux qui sont persécutés à cause de lui sont heureux, parce qu'à eux est le royaume des cieux. (verset 3, note.) Dans la huitième béatitude, Jésus revient donc à la première (ce qui fait que plusieurs interprètes n'en comptent que sept, mais à tort). Il clôt ainsi un cycle harmonique d'expériences et de promesses. Les quatre premières concernent ceux qui cherchent dans leurs profonds besoins, les quatre dernières, ceux qui ont trouvé et qui déjà développent une certaine activité dans le règne de Dieu.

Chaque promesse, source du bonheur (heureux !) répondant exactement et abondamment à chaque état d'âme décrit, fait resplendir un rayon de la gloire du royaume des cieux : aux affligés ; la consolation ; (verset 4) aux doux, la possession de la terre ; (verset 5) aux affamés, le rassasiement (verset 6) aux miséricordieux, la miséricorde ; (verset 7) aux purs de cœur, la vue de Dieu ; (verset 8) à ceux qui procurent la paix, le beau titre d'enfants de Dieu. (verset 9) Mais dans la première et la dernière béatitude, Jésus, qui est le Maître du royaume des cieux, le dispense tout entier aux pauvres et aux persécutés (verset 3 et 10) ; et là seulement il parle, non au futur, mais au présent : ce royaume est à eux.

- Les verset 11 et 12 ne sont que le développement du verset 10.

5.11 Heureux êtes-vous, lorsqu'on vous dira des injures, et qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.
  Une variante supprime le mot faussement (Grec : en mentant.) Elle n'est pas assez documentée pour être admise. Il faut remarquer cette grande parole sur laquelle porte l'accent : à cause de moi. Qui est-il donc Celui pour qui les chrétiens doivent supporter les injures et les persécutions ?
5.12 Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
  La récompense, qui n'affaiblit en rien la vérité du salut par grâce, par la foi Romains 4.4,5 est grande en proportion de la fidélité et de l'amour avec lesquels les disciples de Jésus auront souffert pour son nom. Toutefois, nul chrétien ne cherche cette récompense en dehors de Dieu et du bonheur de le servir, sans cela, il perdrait ce qui en fait la grandeur et la douceur. (Matthieu 20.1 et suivants)

- Le Sauveur montre à ses disciples persécutés un sujet de joie dans la pensée (car) qu'ils ont ce trait de ressemblance avec les prophètes qui les ont précédés. (1Rois 18.22 ; Jérémie 26.11 et suivants ; Jérémie 37.15 et suivants ; Jérémie 38.4 et suivants Hébreux 11.36 et suivants)

5.13 Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi sera-t-il salé ? Il n'est plus bon à rien sinon à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes.
  Jésus, après avoir, dans les béatitudes, caractérisé ceux qui sont enfants de son royaume et leur avoir prédit d'inévitables persécutions dans un monde ennemi de Dieu, (versets 10-12) veut leur faire sentir maintenant (versets 13-16) tout le sérieux de leur position, la grandeur de leur vocation, afin que, loin de se laisser abattre par l'opposition, ils n'en deviennent que plus courageux et fidèles pour exercer la sainte influence qu'ils sont appelés à avoir. Ils sont parmi les hommes le sel, la lumière.

Eloigner la corruption Exode 30.35,2Rois 2.19-22, rendre les aliments savoureux et sains Job 6.6 telle est la destination du sel. Comparer Marc 9.49,50 ; Luc 14.34 ; Colossiens 4.6 Le sens spirituel de l'image est évident. Les disciples de Jésus sont eux-mêmes le sel de la terre, destiné à pénétrer toute la masse de l'humanité. (Voir "lumière du monde," verset 14)

Mais si le sel même venait à perdre sa saveur (gr. devient insipide), rien ne pourrait la lui rendre il devient une matière inutile, et sa destination est perdue. Dans son sens spirituel et moral, la pensée est terrible. Jésus ne dit pas que cela arrivera à ses disciples mais il en suppose la possibilité.

5.14 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.
  Parole étonnante, car le Sauveur se l'applique à lui-même ! Jean 8.12,9.5,12.35

Lui seul est dans un sens absolu la lumière du monde qui a resplendi dans nos ténèbres. Ses disciples, illuminés par lui, le deviennent immédiatement. Ephésiens 5.8,Philippiens 2.15

En Palestine, les villes sont ordinairement bâties sur le sommet ou le penchant d'une montagne ; peut-être Jésus en avait-il une devant les yeux ? qu'il montrait de la main. (Voir F. Bovet, Voyage en Terre-Sainte, 7e éd., p. 382 et suivants) Cette image a le même sens que la suivante. La vie de l'Eglise, la vie de l'âme ne peut et ne doit être cachée dans ce monde.

5.16 Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.
  Cette image : mettre la lumière sous le boisseau, n'offre à l'esprit aucune idée conforme à nos usages actuels. Il en est tout autrement dans les campagnes en Orient. Nous voici dans l'unique chambre qui abrite toute une famille :

"Il n'y a d'autre lumière qu'une petite lampe, formée tout simplement d'une soucoupe pleine d'huile. A défaut de table. elle est posée sur un boisseau retourné...C'est le seul ustensile du ménage des paysans, tel que celui que j'ai sous les yeux. Il sert tour à tour de table et de plat, car c'est dans ce même boisseau pareil à ceux dont on fait usage chez nous, qu'on nous apportera tout à l'heure le lait caillé qui constitue le souper de la famille." (F. Bovet, Voyage en Terre-Sainte, 7e éd., p. 312.)

De là l'article, le boisseau, car il n'y en a qu'un.

- Ce verset est l'application des principes qui précèdent. Votre lumière : elle n'est à nous que lorsque nous nous la sommes appropriée d'une manière vivante, alors elle luit d'elle-même devant les hommes qui voient, non pas seulement des doctrines ou des opinions religieuses, mais vos bonnes œuvres, tout l'ensemble d'une vie chrétienne, la sainte vérité dont le caractère est essentiellement moral et pratique. Les hommes qui verront ces œuvres, glorifieront, non pas vous (si tel était votre but secret, la lumière en serait obscurcie, les bonnes œuvres deviendraient mauvaises), mais votre Père qui est dans les cieux, auquel ils seront forcés d'attribuer le témoignage d'une vie sanctifiée. 1Pierre 2.12

- Trouvera-t-on une contradiction entre ces paroles et celles du Matthieu 6.1-6 ? C'est le discernement spirituel qui doit indiquer la conciliation.