Et Sophar le Minéen dit :

Ce n'est point de cette manière que je voudrais, sur ces choses, discuter avec toi ; et vous tous n'avez pas mieux compris que moi.

Je mettrai à profit ce que m'enseigne ma retenue, et l'esprit d'intelligence répondra pour moi.

Est-ce que l'on ne sait pas ces choses depuis que l'homme a été placé sur la terre ?

Joie des méchants, chute extraordinaire ; plaisir des pervers, ruine...

Lors même que les présents de l'impie monteraient jusqu'au ciel, et que ses sacrifices atteindraient les nuées ;

Lors même qu'il serait soutenu par de forts étais, finalement il périra, et ceux qui le connaissaient diront : Où est-il ?

On ne le voit non plus qu'un songe évanoui, et il s'est envolé comme une vision nocturne.

L'œil a regardé et il n'est plus là, et le lieu qu'il habitait ne s'apercevra plus.

Que ses fils meurent sous les coups des minables ; que ses mains ne connaissent plus que les douleurs.

Ses os ont eu la force de la jeunesse, et ils sont couchés comme lui dans la terre.

Si la méchanceté est douce à sa bouche, il la cachera sous sa langue,

Il ne s'en fera pas faute, et il n'en laissera rien perdre ; et il la fera descendre au fond de son gosier.

Mais elle ne lui profitera pas ; ce sera en ses entrailles un venin d'aspic.

Il vomira sa richesse injustement acquise, et un ange l'expulsera de la maison où il l'aura amassée.

Puisse-t-il s'allaiter du fiel des dragons ; puisse la langue des serpents le faire périr.

Qu'il ne voie plus de lait trait au pâturage ; qu'il ne mange ni beurre ni miel.

Il s'est fatigué pour des choses vaines et insensées, pour une richesse dont il ne goûtera pas, [lui étant devenue] comme coriace, inmangeable, imbuvable.

Car il a brisé les demeures d'une multitude de démunis ; il les a dépouillés de maisons qu'il n'avait point bâties.

Il ne trouvera pas son salut dans ses trésors ; il ne sera point sauvé par sa convoitise.

Jamais rien ne reste de ses aliments ; aussi ses richesses pour lui ne porteront pas de fleurs.

A peine à son repas se sera-t-il bien gorgé, qu'il sera oppressé et torturé par toutes sortes d'étreintes.

Si, n'importe comment, tu as rempli sa panse, c'est comme si tu avais fait tomber sur lui le poids de ta colère et des flots de douleurs.

Il n'est point à l'abri d'une main armée de fer, ni à l'épreuve d'une flèche d'airain.

Que le trait entre par sa bouche ; que les éclairs sillonnent ses demeures. Que les épouvantements se promènent à ses côtés ;

Que les ténèbres autour de lui ne se dissipent jamais ; que la flamme le dévore sans le consumer ; que son hôte ruine sa maison.

Que le ciel dévoile ses péchés ; que la terre s'élève contre lui.

Que sa famille enfin périsse et qu'il voie luire le jour de la colère.

Tel est le sort que le Seigneur réserve à l'impie ; telle est la part de richesses que lui donnera Celui qui voit tout.